Politique numérique Transformation numérique Web politique

Le Québec numérique : un projet de société

13 décembre 2017

C’est ainsi que s’intitule la stratégie numérique dévoilée le 13 décembre par le gouvernement du Québec en présence d’un aréopage de ministres dont Dominique Anglade qui pilote le dossier. Ce matin, je voulais me brancher sur Facebook Live pour suivre le dévoilement de cette stratégie mais mon portable a planté à la suite d’une mise à jour difficile dans la nuit.

J’ai donc pris connaissance du document écrit (merci Michelle) qui, comme le souligne à juste titre Sylvain Carle n’est pas un Pdf mais du Html. Petit détail mais belle signification. En préambule aux différentes orientations, cibles et plans d’action qui s’échelonnent pour beaucoup sur cinq ans et plus, un texte qui met la table à une vision globale plus qu’ambitieuse…

Le gouvernement ne veut ni plus ni moins qu’une position de premier plan sur toutes les scènes incluant la scène mondiale!

Le Québec fait le projet de se positionner sur toutes les scènes en prenant les devants comme acteur de la transformation numérique mondiale.

Et on pose ici le terme qui est à la mode partout dans le monde du numérique soit celui de la transformation. D’ailleurs, le terme est de toutes les conférences qui s’adressent entre autres aux entreprises de tous les secteurs de l’économie. Le collègue Michel Germain a déjà écrit sur le prénomène en 2006 ! Et il traitait de eTransformation des entreprises (référence ICI). Maintenant tous traitent de Digital Transformation.

Dans notre manifeste des 13 étonnés, paru en 2012 et qui réclamait cette stratégie ou Plan Nerd pour Sylvain, nous avions chacun à rédiger un texte. Dans le mien qui a été reproduit sur ce blogue je traitais de l’économie du savoir basé sur les données. Pour cela, la base réside sur les infrastructures de transmission, de stockage, d’analyse et de diffusion.

Dans l’énoncé gouvernemental, lumière est faite sur les infrastructures de transmission:

Pour cela, le gouvernement amorce des changements dans tous les aspects de la vie, dans tous les milieux et sur l’ensemble du territoire québécois. En premier lieu, il mène une offensive unique pour accroître l’accès à des infrastructures numériques performantes, accélératrices d’innovations, sur tout le territoire. Et comme les personnes sont au cœur et maîtres de ces changements, le gouvernement s’intéresse à leurs compétences et aptitudes pour s’engager dans la société numérique.

D’une part, au plan des infrastructure de transmission, la stratégie en est une de rattrapage sur les autres pays et non une de leadership car si cela était, il faudrait cibler plus de 100 Mbps (mégabits par seconde) pour tous d’ici cinq ans. D’ici là, les autres seront rendus à quoi? Le double ou le triple?

En utilisant un nouveau type de fibre optique, les chercheurs de l’Université technique du Danemark (DTU) ont transmis des données sur une seule fibre optique à une vitesse de 43 térabits par seconde (43 Tbps) et établi ainsi, un nouveau record du monde pour la transmission de données. Il bat le précédent record de 32 Tbps établi par les chercheurs du Karlsruhe Institute of Technology en Allemagne.

Ce tableau juste pour vous donner une idée. Le gouvernement nous parle de 100 Mégabytes. Le record est à 43 Térabytes.

Mais il parle aussi des compétences et cela ça m’intéresse car c’est le savoir. Une économie basée non plus seulement sur l’avoir mais sur le savoir, le sujet de mon «étonnement»… Mais cela ne doit pas seulement interpeler le ministère de l’Éducation ou celui de l’enseignement supérieur mais aussi toutes les entreprises qui ont des programmes de formation. Il ne s’agit pas juste d’apprendre aux enfants à coder dès la maternelle.

Cela touche aussi la formation de toutes les mains d’oeuvre incluant celle issue de l’Immigration et cela touche aussi la transmission de l’expertise et l’entretien de la mémoire numérique des entreprises comme de la société.

Cibles ambitieuses sur cinq ans

Voici donc les cibles que se fixe le gouvernement pour cinq ans à un an des élections et y attribue 1,5 milliard$ dont un milliard$ d’argent frais.Reste à voir ce qui pourra être fait 1- d’ici les élections et 2- si la stratégie continuera quelque soit le prochain gouvernement.

  • Que 100 % des citoyens aient accès à des services Internet haut débit et que plus de 90 % d’entre eux aient accès à des services Internet fixes très haut débit d’au moins 100 mégabits par seconde (Mbps) en téléchargement et 20 Mbps en téléversement d’ici cinq ans.
  • Que tous les citoyens développent davantage de compétences numériques de manière à ce que le Québec figure parmi les chefs de file de l’OCDE en matière numérique d’ici cinq ans.
  • Que 90 % de la mise en œuvre de l’orientation sur l’administration publique de la Stratégie numérique soit réalisée d’ici cinq ans.
  • Qu’au moins 75 % des citoyens bénéficient de la transformation numérique des municipalités d’ici cinq ans.
  • Que l’ensemble des entreprises québécoises rehaussent leur intensité numérique de 50 % d’ici cinq ans.
  • Que 100 % des citoyens puissent interagir de façon numérique avec le réseau de la santé et des services sociaux et ses professionnels d’ici cinq ans.
  • Que l’offre culturelle québécoise soit davantage visible et consultée sur les réseaux numériques d’ici cinq ans.

Ces cibles se rapportent à chacune des sept orientations stratégiques qui marqueront les priorités de la réalisation de la Stratégie au cours des prochaines années :

  1. Des infrastructures performantes et évolutives
  2. L’éducation, l’enseignement supérieur et le développement des compétences numériques pour tous
  3. Une administration publique transparente et efficiente
  4. Des villes et des territoires intelligents
  5. Une économie d’excellence numérique
  6. La santé connectée sur le citoyen
  7. Notre culture, chez nous, partout

Pour ce qui est des infrastructures j’ai noté un passage qui me fait un petit velours puisque j’ai écrit plusieurs billets sur le sujet:

Et comme le Québec est le leader mondial de l’hydroélectricité, disposant d’une énergie propre en abondance, renouvelable et à faible coût, ses capacités de stockage et ses atouts en termes de gestion et de sécurité des données massives en font un lieu d’implantation idéal, notamment pour les centres de données.

Vous vous souvenez des alumineries? Voici une partie d’un de mes billets rédigé en 2011. Notez que j’en traitais depuis 2008:

Lors de l’un de mes passages à San Francisco, pour la conférence Web 2.0 Expo, j’avais relaté l’entrevue entre Tim O’Reilly et Jonathan Schwartz, alors président et CEO de Sun Microsystems, dont voici un extrait :

«Ce qu’il veut dire par entrepôts-containers, c’est que Sun, Google et les autres doivent penser à des entrepôts mobiles, qui peuvent suivre les sources d’énergie. Encore plus intéressant, il en est arrivé à parler des entrepôts situés dans des endroits où on réchauffe les équipements au lieu de les climatiser. De l’antigel au lieu de l’air climatisé… Et aussi en arriver à les automatiser complètement. Un peu comme les postes et les centrales hydroélectriques qui sont opérés à distance… En ce sens, certains joueurs comme Microsoft  planifient l’installation d’entrepôts en Sibérie…»

«Vous voyez les opportunités ici, entre autres, pour l’économie québécoise. En effet, le Québec est un pays nordique et théoriquement assez froid. Il a une source inépuisable d’énergie : l’eau. Et il a des infrastructures industrielles à recycler dont des alumineries, idéales pour installer des méga-entrepôts de données puisque déjà équipées de l’infrastructure de transformation électrique. Vous imaginez pour l’économie de Shawinnigan ? Ou de Jonquière, ou de Baie-Comeau ? Le gouvernement et l’entreprise privée devraient comprendre et exploiter ce nouvel atout…

Il est clair que le gouvernement du Québec n’a pas compris (…) que l’installation de méga-entrepôts de données, même s’ils ne créent que peu d’emploi à long terme créent pas contre un environnement favorable à l’installation à proximité d’une foule d’entreprises de haute technologie ayant besoin de deux commodités essentielles fournies au départ aux entrepôts de Google, d’Amazon ou de Microsoft: l’énergie et la bande passante.

Pour mettre en place un véritable Plan Nord technologique et non pas minier,  le Québec pourrait tout de même tabler sur ses atouts traditionnels : sa situation géographique et son climat, ses ressources naturelles, pas les mines mais l’eau et l’hydroélectricité mais aussi la créativité de l’ensemble de sa population qui l’a longtemps placé au-devant de l’industrie du numérique…»

Je ne vais pas commenter chaque cible ou orientation stratégique contenus dans ce volumieux document mais je tiens tout de même à ajouter que l’équipe qui a planché sur ce document a au moins eu la bonne idée de ne pas oublier la gouvernance. On peut y lire:

Les leviers de transformation

La réalisation de la Stratégie numérique implique des changements fondamentaux, tant organisationnels qu’opérationnels, pour tous.

Quatre leviers permettront de créer les conditions nécessaires pour opérer ces changements et réaliser le projet de société auquel nous aspirons. Le leadership et la mobilisation sont les deux premiers leviers de transformation de la société québécoise.

La cohérence d’ensemble, la pertinence et l’efficacité des actions seront possibles grâce à l’adhésion des personnes et à la synergie des interventions vers l’atteinte de la vision et des objectifs de la Stratégie numérique.

Le leadership de la ministre

Tel qu’elle a été mandatée par le premier ministre, la vice-première ministre et ministre responsable de la Stratégie numérique est appelée à exercer un leadership important axé sur l’action, l’engagement et la participation de tous afin que le Québec soit au-devant de la révolution numérique mondialees.

La ministre responsable de la Stratégie numérique s’assurera que les expertises et les conditions nécessaires sont réunies pour assurer le succès de la transformation numérique de la société québécoise. La poursuite de la concertation de tous les acteurs, particulièrement les ministères et organismes publics, est confiée à une équipe spécialisée au sein du MESI.

Cette équipe a le mandat de rassembler, de catalyser et de coordonner les actions de transformation de la société québécoise en misant sur la concertation et le partenariat.

Les ministères et organismes devront élaborer et mettre en œuvre les mesures et les actions qui découleront de leurs plans d’action et de la Stratégie numérique.

La ministre responsable de la Stratégie numérique pourra s’appuyer sur le réseau d’expertise agile mis en place à l’amorce des travaux de cocréation pour assurer une continuité ainsi que sur l’éclairage du Conseil du numérique.

Et voilà, le mot est lâché ! Il y aura création non pas d’un ministère mais bien d’un Conseil du numérique au Québec. Reste à en voir la composition. Et son rôle qui semble limité au conseil, justement auprès d’une seule et même personne (la ministre) qui en a pas mal sur les bras: l’innovation, la science, le numérique, l’économie et la chaise de vice-première ministre…

Vous pourriez également aimer

1 commentaire

  • Répondre Bastien 4 janvier 2018 - 12 h 01 min

    Interessant de voir ce que nos voisin outre atlantique mettent en place pour le munérique/digital.
    Ici en France c’est toujours aussi brouillon. C’est à croire que les dirigeants sont plus ou moins « déconnectés » de la réalité. Ce qui n’est pas nouveau en politique.
    Pas plus tard qu’hier, notre cher président à décidé de pénaliser les « fake news » sur le net. La boite de Pandorre est ouverte et il est en train de se rendre compte que ce ne sera pas aussi facile que cela à mettre en place…

  • Laissez un commentaire