Dans son plus récent billet sur son blogue, l’amie Patricia Tessier relève les propos tenus par Scott Cook dans le Harvard Business Review, à ne pas confondre avec le Harvard Business Publishing, qui vient justement de publier un compilation des meilleurs billets de blogues de 2008.
Ce dernier a publié un article payant ((6.50$US) intitulé : «The Contribution Revolution: Letting Volunteers Build Your Business». Comme le titre le laisse entendre, il s’agit là d’une tentative d’explication du phénomène des ideagoras, terme popularisé par Don Tapscott dans son bouquin collaboratif Wikinomics, paru en 2007 et d’une résultante d’affaires en constante expansion, soit le «Crowdsourcing» ou dématérialisation du travail.
Faut dire que Cook et Tapscott se connaissent bien puisque le cas Proctor & Gamble est cité dans Wikinomics et que je m’en sers dans mes propres conférences. eh oui, Cook a passé une bonne partie de sa carrière au marketing de P&G avant de fonder Intuit.Inc et de devenir milliardaire ou est-ce l’inverse ???
Comme je l’expliquais à Patricia en commentaire de son billet, M. Cook n’invente rien mais tente tout de même d’identifier les secteurs de l’activité économique qui peuvent bénéficier de ce nouveau phénomène, très Web 2,.0. qui veut qu’une entreprise puisse profiter de la force créatrice et innovatrice de la masse des Internautes pour améliorer son ou ses produits, son ou ses services et ce par des contributions, soit volontaires, soit rémunérées.
Les boîtes à idées
Je vous ai déjà parlé d’Ideagoras, de stye boîtes à idées, telles que Ideastorm de Dell ou MechanicalTurk d’Amazon où les Internautes se font un plaisir de soumettre gratuitement des idées d’amélioration des produits, de voter pour les meilleures suggestions qui sont finalement retenues par les compagnies, tout cela juste pour voir leur nom mis en évidence (exposition de soi), leur idée reconnue par leurs pairs (communauté). Du pur «User Generated Content».
Mais il y a aussi du «crowdsourcing» popularisé par les sites Innocentive et YourEncore et l’exemple des «Answers» de LinkedIn où la motivation de participer est attisée par l’appât du gain ou de reconnaissance professionnelle (incentive). Toutes ces plates-formes Web 2.0 ont en commun qu’elles se rapprochent des usages d’ideagoras et de dématérialisation qui peuvent être appliqués à l’intérieur d’une entreprise.
Et c’est là que je tiens à compléter la démonstration de M. Cook. En effet, ce dernier identifie plusieurs secteurs comme pouvant bénéficier des ces usages et que relève ainsi Patricia Tessier dans son billet :
«Voici ce que j’en ai retenu et quelques ajouts de mon cru! Voir son article pour des entreprises spécifiques ayant tenté l’expérience dans l’une ou l’autre de ces fonctions.
Service à la clientèle : Les bénéfices et la mise-en-œuvre sont assez facile à imaginer… les forums où les usagers aident les autres usagers sont un excellent exemple.
Marketing : Permettez à vos clients de partager leurs expériences personnelles avec votre produit ou service… Vous comprendrez ainsi comment il est utilisé, par qui, dans quelle circonstance, pour répondre à quel besoin… Informations précieuses et beaucoup plus pertinentes que les informations capturées dans les sempiternels « focus group ».
Création de contenu : Les guides Zagat sont ici un exemple éloquent. Zagat agrège (depuis 30 ans!) les opinions de « clients réguliers » des restaurants (hôtels, bars, etc.) d’une ville donnée et non de critiques culinaires payés et imprime et vend ensuite les guides Zagat… Et ces guides ont une excellente réputation.
Par ailleurs, il est connu et répété par plusieurs analystes que les groupes médias, pour maintenir leur pertinence et potentiellement même leur existence, doivent réussir (et rapidement!) à trouver comment définir efficacement pour eux ce système de gestion de la contribution des usagers au niveau de la création de contenu et débuter la mise-en-œuvre immédiatement quitte à peaufiner les solutions dans un second temps… Est-ce que la « perfect-storm » créé par la crise financière, la migration de la consommation des infos sur internet et la chute des budgets publicitaires les forcera à finalement se jeter à l’eau… à suivre…
Aussi, dans le cas des médias sur un marché donné il y a une combinaison du « first mover advantage » et du « network effect »… Le groupe qui adoptera et implantera un système de gestion de la contribution du contenu des lecteurs sera clairement le gagnant car plus de gens y contribuent, plus intéressant est le produit et plus de gens veulent l’utiliser et plus de gens veulent y contribuer et… c’est comme les saucisses!
Design et développement : On parle ici de susciter la collaboration de programmeurs, chercheurs ou autres… Beaucoup de projet « open source » pourrait être cité en exemple mais c’est aussi pertinent pour le design d’interface, le design produit, etc.
Production artistique : Il s’agit de solliciter la contribution des fans pour des idées ou même du matériel physique. C’est David Usher qui expliquait au Podcamp Montréal cet automne qu’il ne fait plus faire de photos professionnelles mais utilise plutôt les photos fournies par ses fans.»
Comme on peut le constater, il est question de service à la clientèle, de marketing, de création de contenus, de design et développement et de production artistique. Des sujets presqu’exclusivement externes pour les entreprises et producteurs indépendants donc, une partie de l‘Entreprise 2.0 mais pas sa totalité…Bien entendu, ces sujets trouvent écho aussi bien dans les ideagoras (amélioration du service à la clientèle, marketing et production artistique) que dans le crowdsourcing (Création de contenus et design et développement).
Mais l’entreprise 2.0, que j’appelle innovante, c’est plus encore… Tout d’abord, au plan externe c’est aussi la Recherche et développement, justement le cas de Proctor & Gamble qui dans l’exemple rendu célèbre dans Wikinomics, a utilisé Innocentive pour régler aussi bien un problème de physique que de marketing. En passant, si vous cliquez par le site Innocentive, vous serez en mesure de remarquer que les contributeurs à la résolution des problèmes qui y sont exposés (principe des seekers et des solvers) peuvent se faire un pécule allant jusqu’à un million de $$$.
L’innovation
Tout le pan de l’économie oublié par M. Cook, c’est le pain et le beurre de l’entreprise et surtout son avantage concurrentiel, surtout lié à la performance de son capital humain : L’innovation… Regardez les sites Innocentive (Maximize your Return on Innovation), YourEncore (The Innovation Community) ou encore LinkedIn avec son partage d’expertise entre membres d’une communauté professionnelle. L’innovation y est au centre de leur offre et est ô combien stratégique en cette période de crise économique et passe, entre autres, par :
- L’amélioration des processus de gestion ou de fabrication
- La mise en valeur des expertises des employés
- L’accélération de la recherche et développement
- La réduction des coûts reliés aux précités
- L’amélioration du sentiment d’appartenance
- La récupération des savoirs des retraités
Et j’appuie très fort sur ce dernier point… Et c’est en étudiant le site YourEncore que toute entreprise peut s’apercevoir de l’immense potentiel de la création d’un tel genre de plate-forme extranet. Le principe de Your Encore est simple : Offrir aux retraités et aux entreprises, un point de rencontre où les entreprises viennent poser des problèmes et où les retraités se servent de leur expertise passée et présente pour le solutionner (Encore les seekers et les solvers). À celui qui trouve la solution de se faire un extra sur son chèque de retraite.
Mais pourquoi aucune entreprise n’a pensé à faire un extranet pour ses propres retraités et ainsi pouvoir solliciter leur expertise au besoin moyennant rémunération ? Question de manque de vision qui risque de coûter cher dans le contexte actuel. Les entreprises mettent massivement leurs employés à la retraite : 60 % de la main d’oeuvre baby-boomesque au Québec prendra sa retraite d’ici 2014. Et que fait-on du savoir accumulé par toutes ces personnes durant plus de 20 ans de carrière ? On le met aux archives ou au pire à la filière 13. On leur fait un beau party d’adieu et c’en est fini…
Récemment, à une conférence d‘Infopresse sur l’innovation justement, Laurent Simon, prof aux HEC avait parlé dans sa présentation d’une citation que j’utilise moi-même et qui dit tout : «L’entreprise est ce qu’elle est parce qu’elle se nourrit du savoir collectif. Mais si seulement elle savait tout ce qu’elle sait». Un sujet aussi traité de façon visionnaire par David deLong en 2004 dans son bouquin «Lost Knowledge»
Les entreprises y gagneraient aussi en termes de communication car le lien étant établi avec ses retraités, l’entreprise peut leur passer d’autres formes de messages…. Bon je m’arrête car je ne veux pas écrire un roman… En fait non et oui. Ces réflexions vont faire partie d’un bouquin que je vous annonce pour 2009-2010. Entre vous et moi, c’est ma résolution de l’année !