Dans mon premier billet sur la conférence Enterprise 2.0, qui a eu lieu à Boston au mois de juin dernier, j’écrivais ces lignes : «Intéressant aussi le fait qu’il mentionne que le marché de l’Entreprise 2.0 est estimé à 4,3 milliards de $ d’ici cinq ans, soit 2013. Pas pour rien que tous les grandes firmes se convertissent aux vertus du 2.0, de Microsoft à IBM en passant par SAP, Oracle, Alcatel-Lucent, Novell, OpenText, Vignette, etc. s’y mettent…» Je parlais alors de Dion Hinchcliffe et son atelier sur l’entreprise 2.0.
Je notais donc la présence en force, à la conférence, de toutes les dignes compagnies représentantes de Web 1.0, reconverties aux bienfaits du Web 2.0. IBM, Microsoft, Open Text, Oracle, Sun et EMC2 … En fait, la partie «Expo» de la conférence, où elles étaient toutes présentes avec leurs gros kiosques, m’a fait alors penser à ces conférences où je me rendais fin des années 90 et début 2000, des conférences sur le KM et les intranets, dont KM World & Intranets, où l’on pouvait assister à un spectacle bien particulier avant que n’éclate la bulle techno.
Les gros d’un côté, les petits de l’autre…
Un spectacle où ces grosses boîtes Ti côtoient une foule de petites solutions essayant de se frayer une rentabilité Des dizaines de petites «startup» dans leurs petits kiosques 10X10 et qui tentent d’intéresser des clients corporatifs à leur brillante idée de solution alors que les gros navires comme IBM et Microsoft, pavoisent dans des espaces cinq fois plus vastes, avec démos live et cadeaux à la clé ! Toutes ces petites entreprises sont disparues avec l’éclatement de la bulle ou ont été rachetées par les gros. Demandez aux gens de RedDot, qui justement étaient à Boston mais plus sous leur bannière originale. Achetés tout d’abord par Hummingbird, ils sont ensuite passés avec leur acheteur sous la férule d’Open Text et c’est leurs couleurs qu’ils arboraient au salon d’exposition.
Ce qui m’a fait penser que bien des petites compagnies, présentes à Boston, risquent de subir le même sort, surtout en ces temps économiques troubles… À Boston, j’en ai dénombré 41 avec des noms aussi évocateurs que Mzinga, Jive, Acquia, Igloo, nGenera, WorkLight, Box, Awareness, expresso, Mindjet, GROUPSwim, openwater, Tomoye, etc.
Du lot, trois se démarquent par leur notoriété déjà acquise et la portée de leur solutions. Il s’agit de AmazonWebServices, la division «Cloud Computing» du géant de Web 2.0, de Zoho, une entreprise californienne plus spécialisée dans le CRM et la gestion de projet et que le copain Pascal Veilleux décrit comme un mini-Google ou Google-killer en termes de services Web et aussi vétéran du Web 1.0 ainsi que SocialText, le leader mondial du wiki d’entreprise mais qui se définit maintenant comme un «Business Social Software».
Le fondateur et CEO de l’entreprise, Ross Mayfield, était sur place tout au long de l’événement. Il a donné une conférence où il en a profité pour lancer un nouveau produit appelé SocialCalc. Il s’agit en fait d’un Excel/wiki, chaque cellule pouvant être explosée et pouvant ainsi devenir source de multiples informations connexes ou supplémentaires sur le donnée et celui qui l’a créée. Flyé mais utile… Bref , Ross a été présent tout du long, animant une journée «barcamp» gratuite, et donnant volontiers des informations sur ses produits au kiosque. Un gars vraiment sympathique, accessible, intéressant, facile d’approche. Très différent de bien des stars du Web 2.0 qui auraient des leçons d’humilité à prendre de lui (et je ne nomme personne mais vous suivez mes yeux vers Davos)
Fais-moi un intranet 2.0 (1)
Pour en revenir aux petites entreprises qui à mon avis, risquent de faire une percée en 2009 ou encore de se faire avaler par les gros poissons, je les divise en deux catégories : D’une part les suite logicielles (les Business Social Software à la SocialText) qui offrent un ou plusieurs outils du Web 2.0 (Blogue, wiki, Fils RSS, Réseau Social, Bookmarking social, Tagging, mashups et j’en passe…). Des 41 sur place à Boston, plus des trois quarts des startups ne seront pas de retour à Boston en 2009. Je m’attends à revoir bien sûr, SocialText mais aussi GoLightly et BlueKiwi.
Les deux vont probablement survivre et prendre chacun leur marché cible. GoLightly l’Amérique du Nord, Blue Kiwi l’Europe. (qui prendra les autres continents ???). Les deux solutions sont presque jumelles (voir les diagrammes ci-dessous avec BlueKiwi à gauche et GoLightly à droite) en cela qu’elles tentent d’offrir aux entreprises la suite complète d’outils collaboratifs : Blogues, wikis, calendriers, annuaires, fils RSS, intégration du courriel et de la messagerie instantanée, SSO, engin de recherche et tagging, forums, capacité multilingue, outils de statistiques, vidéos, et ce qui est le plus important, la création de groupes ou communautés.
Les deux sont compatibles, entre autres, avec SharePoint mais j’aime bien les récents développements chez BlueKiwi, présentés l’automne dernier à Paris par son CEO, Carlos Diaz. Ainsi, BK offre une toute nouvelle approche pour identifier les communautés à mettre en oeuvre. Il permet aux employés de s’inscrire et au départ de signifier leurs intérêts. Comme il se crée ainsi un genre de nuage de «tags» d’intérêts, l’administrateur de communautés (un nouveau rôle en émergence dans les entreprises) peut ainsi diriger son attention vers la création de communautés déjà identifiées comme viables par ces «tags».
Mais aussi un principe de double tagging sur la personne elle-même. Donc je peux tagguer qui je suis et quels sont mes intérêts et compétences et les autres employés peuvent en rajouter avec mon accord. Et aussi la possibilité d’intégrer des widgets dans les communautés et pour la première fois, la possibilité d’intégrer le principe de boîte à idées. Efficace !
Mais la plate-forme française n’offre pas encore tous les outils collaboratifs et encore moins la possibilité d’offrir aux entreprise une véritable plate-forme intranet où il est possible d’intégrer portail, information corporative, CRM, CMS, ERP etc. Donc pas intranet 2.0. Moins évident pour son compétiteur américain.
La plate-forme GoLightly est plus complète en termes d’outils, intégrant blogues, forums, vidéos, etc. et en termes de connectivité avec les systèmes d’entreprise tels que CRM, CMS et services Web. De plus, elle offre aussi une couche supplémentaire. En fait les deux plates-formes offrent les couches de connexion, de collaboration, de socialisation et d’administration. mais seule la plate-forme créée par Sarah Golightly (non, non, ce n’est pas une blague) offre en plus la couche de transactionnelle. Cette suite est donc la plus proche de l’intranet 2.0.
Et ce que j’aime des deux plates-formes et que certains gros fournisseurs n’offrent pas nécessairement, c’est la couche d’administration avec des outils intégrés d’analyse et de «reporting». C’est habituellement le point faible des solutions Web 2.0 : l’impossibilité de bien gérer la croissance et le développement, l’absence d’outils de travail pour les futurs administrateurs de communautés.
Fais-moi un intranet 2.0 (2)
Dans la seconde catégorie, les intranets 2.0 qui incluent, en plus de la suite logicielle 2.0, les autres fonctionnalités intranet 1.0 dont la communication d’entreprise et ce qu’identifie «méchamment» Carlos Diaz dans un Webcast réalisé au lancement de la nouvelle version de BK 2009, comme étant la capacité de faire des liens entre des documents et des pages Web et non des liens entre les personnes…
Dans cette catégorie intranet 2.0, à Boston l’an dernier, j’avais rencontré les gens de ThoughtFarmer, qui venaient de lancer leur version française et qui vise, entre autres le marché québécois. Elle est la seule à se présenter comme étant un véritable intranet 2.0. Cette plate-forme est un produit de la compagnie «vancouveroise» Openroad Communications et une co-création de Chris McGrath et Darren Gibbons. N’en déplaise à Carlos, leur plate-forme ne lie pas que les documents et les pages Web mais aussi les personnes.
Chris m’est revenu, il y a quelques jours et m’a ouvert le produit pour que je le teste. Sa version française n’est pas encore parfaite mais ce sera fait bientôt. Voici une capture d’écran d’un hypothétique intranet nommé Axio :
Un intranet complet et qui est à même de gérer des communautés en lien avec les profils, les groupes en wikis, lier mon blogue et même mon Twitter, qui intègre le principe de boîte à idées (Mais pas encore le principe plus large d’ideagora), les outils intranet et les autres sites Web d’unités, qui offre un annuaire téléphonique en lien avec le profil professionnel, les tags, le bookmarking et vote à la Digg, name it !
Sur Twitter, j’ai eu le malheur (ou le bonheur) de dire que j’évaluais et qu’à première vue, le produit était intéressant pour les entreprises québécoises, surtout les PME. En fait, c’est un produit plus qu’intéressant pour les entreprises qui n’ont pas encore d’intranet et qui veulent investir peu et avec un ROI rapide. Cette solution sera difficile à vendre aux grandes entreprises ou organisations qui elles, sont prises avec des méga-solutions de portail intranet propriétaires à la IBM, Microsoft, SAP et autres…
Dans les minutes qui ont suivi mon message Twitter, d’autres compagnies offrant des produits intranet 2.0 m’ont signalé leur existence et conseillé de tester leurs produits. Parmi elles, Adenin et son produit IntelliEnterprise.
Et pour bien appuyer sur l’intérêt du produit, voici le message que j’ai reçu sur Twitter : «@Emergent007 « User interface languages include Eng, German, French, Polish, Russian, Spanish, Chinese, Swedish, Portuguese, Italian, Dutch »». Le message m’a été envoyé par Meryl K Evans, pourtant plus spécialisée dans les CSS et les jeux vidéo.
Pour avoir aussi testé cette version, j’y ai presque retrouvé un intranet 1.0 des années 2000 mais avec quelques ajouts dont celui du profil (voir la capture d’écran). J’ai aussi reçu un message Twitter de Altassian me vantant les mérites de leur produit Confluence. Ce dernier se classe plus dans la première catégorie, soit celle des «Business Software Solutions» car il s’agit là d’une silution de wiki d’entreprise…
Pour vous en dire encore plus sur les deux faces de l’Entreprise intranet 2.0, je suis allé consulter les spécialistes de Gartner et leur «Magic Quadrant». Remarquez que ce graphique n’est pas complet et c’est voulu par Gartner. Apparaître sur ce graphique est un privilège… Il y a donc beaucoup d’appelés, peu d’élus, les privilégiés et les autres, comme dans les loges du Centre Bell…
Les privilégiés sont IBM, Microsoft dans le haut et surveillez la montée de Google… Alors que tous les autres (présents à Boston) se retrouvent dans les cases du bas en se font la lutte pour survivre. Comme je le disais en début de billet, ces compagnies vont se partager un marché de 4,3 milliards en Amérique du Nord dans les cinq prochaines années, chiffre que sera révisé compte tenu du ralentissement économique. Mais reste que le marché est énorme et comme pour dans le cas du Web 1.0, la crise économique va forcer des fusions, des acquisitions et déjà des disparitions.
Mais le marché est définitivement là pour rester et j’aimerais bien que BlueKiwi et ThoughtFarmer percent leurs créneaux respectifs et réussissent à prospérer à l’ombre des IBM et Microsoft. Surtout que les entreprises commencent à prendre le phénomène au sérieux. Aux USA et en Europe. Ici au Québec, c’est plus laborieux…
MAJ
J’ai reçu un commentaire de Barthox que je trouve fort pertinent et même s’il est disponible ci-dessous, je le reproduis, question de faire du pouce sur son exposé concernant Clearspace.:
«Wow! Quel compte-rendu!
Bravo, cela fait longtemps que je n’ai plus lu une analyse comparative comme celle-la.
Toutefois, je pense que Jive Software sera à nouveau de la partie. J’ai eu l’occasion de tester leur produit E2.0 ‘Clearspace’ (en fait, tout le monde peut le faire, à partir de leur site web), et j’ai beaucoup apprécié!»
Je dois avouer que je n’ai pas évalué toutes les solutions incluses dans le «Magic Quadrant» de Gartner, dont Clearspace. Ce dernier est un «Business Social Software» et se classe donc dans la première de mes deux catégories. En effet, il est très bien positioné par Gartner et pourrait être de ceux qui seront de rerour à Boston en juin prochain.
Mais Clearspace, de Jive Software, comme les autres que je n’ai pas pris la peine d’évaluer, n’offre pas vraiment un produit «novateur». Justement, voici comment ils présentent les «innovarions» de leur version 2.5. Dans une vidéo impossible à incrémenter (embedder) dans un blogue. Pas très 2.0 comme marketing vous en conviendrez. Si vous voulez en savoir plus, cliquez sur l’image.
2e MAJ
Et pour en remettre une couche : Je vous ai parlé plus tôt des grands qui vont finir par dominer le marché et des grandes entreprises, «prises» avec le IBM, Microsoft et SAP de ce monde, alors voici que je reçois un message de Dion Hinchcliffe, oui, oui, celui du début du billet. En voici la teneur :
dhinchcliffe SAP adds enterprise 2.0 features to latest suite while Twitter meets ERP http://bit.ly/Ti7x Good coverage by Larry Dignan 3 minutes ago from web.
Cliquez sur le lien et vous ariverez sur un article de ZDNet où on explique les récentes avancées de SAP dans le Web 2.0 et les intranets de grosses entreprises.