C’est en relisant le bouquin Wikinomics, de Don Tapscott, que l’idée m’est venue ou plutôt une série de questions… Pourquoi ne parle-t-on actuellement que des réseaux et médias sociaux, que des blogues, de Twitter, Facebook, LinkedIn, etc ? Pourquoi les wikis sont-ils presque tombés dans l’oubli ? Pourquoi seulement la conversation et pourquoi pas la collaboration ? Le Web 2.0 ne serait-il qu’un phénomène d’exposition de soi et à la limite, de participation ?
Ce qui expliquerait que bien peu d’initiatives wikis atteignent un large public, à l’exception de Wikipedia. Et pourtant, les wikis sont et de loin plus populaires que les blogues et les réseaux sociaux en entreprise. Ironique tout de même… Habituellement, les entreprises sont à la remorque de la société et du Web pour ce qui est de l’adoption des technologies du Web 2.0. Et pourtant, dans ce cas, c’est le contraire.
Que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, ce sont, en fait, les wikis et les fils RSS qui sont les principales technologies du Web 2.0 utilisées par les entreprises, comme le font foi ces deux graphiques, l’un de Forrester et l’autre publié par Jane McConell.
Ces derniers datent de 2007-2008 mais un sondage fait par Toby Ward, sur intranetblog.com donne une idée tout aussi cohérente de l’avance qu’ont les wikis sur les autres technologies en termes d’adoption par les entreprises.
L’étude de Ward indique aussi une autre réalité d’entreprise. Même si elles intègrent les wikis et les fils RSS, ces dernières en sont encore à l’ère des intranets 1.0, de la messagerie instantanée et des forums de discussion et si elles envisagent de passer à l’entreprise 2.0 en intégrant ses outils, 48 % d’entre elles le feront avec SharePoint !
Très intéressant… Et très nord-américain comme attitude. La majorité des entreprises ici, comme chez nos voisins du Sud, ont largement intégré les technologies du Web 1.0, technologies dites «propriétaires», dominées par les grands fournisseurs de produits «licenciés» que sont Microsoft, IBM, SAP et autres. Donc, avec de larges et coûteux investissements, pas question de laisser tomber ces dernières pour des solutions en code source ouvert ou l’intégration de logiciels libres…
Mais ça, c’est un autre débat…Mené, entre autres, par Cyrille Béraud, de Savoir-faire Linux , qui poursuit le gouvernement du Québec pour son prétendu favoritisme dans ses appels d’offres, envers Microsoft.
Les wikis, c’est du concret…
Pour en revenir aux wikis, leur utilisation en entreprise donne des résultats à la fois spectaculaires et très probants. Dans son bouquin, Tapscott parle de l’expérience de l’institution bancaire Dreadner Kleinwort Wasserstein, qui a introduit plusieurs pilotes de wikis en 2006. Après 6 mois le traffic dépassait celui de l’intranet. De plus, les usagers ont coupé de 75 % leur usage du courriel et l’entreprise a coupé de moitié le temps passé en réunions… À l’origine de ce projet, JP Rangaswani, CEO de l’année en 2003 et que j’ai rencontré à LeWeb07 à Paris où il était un des rares conférenciers à parler du Web 2.0 en entreprise. J’avais donc publié ce billet.
Tout aussi efficace comme expérience mais bien plus spectaculaire, c’est ce qu’a fait la CIA avec son projet Intellipedia, mené de main de maître par Don Burke et Sean Dennehy et leur partenaire commercial, nul autre que Google…
Voici ce que j’en disais à la suite d’une présentation faite en juin 2008 à la conférence Enterprise 2.0 à Boston. Efficace et spectaculaire… Deux mots qu’on n’associe guère aux wikis et pourtant… Ces derniers sont aussi à la base du succès de SocialText, le principal fournisseur de wikis pour les entreprises, hors du giron des grands fournisseurs. Leur slogan est porté fièrement par son fondateur, Ross Mayfiled : «Do it the Wiki Way»…
Ci-haut, un montage que j’ai fait avec Ross, son Tshirt «Wiki Way» et leur ancienne page d’accueil, qui montre bien l’aspect pratique de l’utilisation des wikis par les entreprises. La nouvelle page d’accueil de leur site «parle» moins…
Un wiki comme CMS ?
J’aime aussi beaucoup le travail que fait ici au Québec, l’ami Marc Laporte dans le domaine du wiki libre. Marc est une figure internationale dans le domaine et offre une alternative bon marché pour les PME et organismes et associations qui n’ont pas de grosses architectures technologiques traditionnelles à protéger. Marc travaille dans le cadre du projet TikiWiki, projet qui est présenté ainsi :
«TikiWiki CMS/Groupware, is a powerful, multilingual wiki-based Content Management System (CMS). Tiki can be used to create a wide range of web applications, sites, portals, intranets and extranets…»
Le REPEX est une association québécoise que utilise TikiWiki comme CMS générateur de son site Web et d’espaces collaboratifs wikis pour les membres.
Pourquoi le wiki est-il moins glamour que le blogue ou le réseau social ? Peut-être parce qu’il fait un travail de terrain efficace. Celui de regrouper des équipes de travail, de générer des historiques de projet et de les archiver, qu’il permet de travailler sur un seul document au lieu de se perdre en versions, de réduire ainsi le nombre de courriels et comme pour TikiWiki, de remplacer les vieux et lourds CMS… Bref, des résultats concrets et quantifiables en termes de ROI.
En terminant, qu’il me soit permis de vous présenter une autre initiative wiki digne de mention, celle-là dans le milieu de l’éducation. Alors, voici un projet intéressant imaginé par un certain Jeremy, qui termine actuellement ses études de Doctorat à la Georges Mason University et qui y est probablement chargé de cours.
4 Commentaires
Cela me rappelle un de mes vieux billets (http://www.duperrin.com/2009/02/27/le-reseau-social-quintessence-du-web-20-en-entreprise/)
Plus pratiquement je ne pense pas qu’il fasse ségmenter les outils auquel cas on disperse tout et on recrée les silos qu’on a voulu éviter. Il ne faut pas séparer les outils « de contenu » et les outils « de relation » car cela tue la dynamique vertueuse « 2.0 » qui repose sur le lien à la fois entre individus mais également entre individus entre eux.
C’est pourquoi je ne mets pas sur le même plan blogs et wikis d’une part et réseaux sociaux de l’autre, le dernier devant chapeauter les deux autres, voire les intégrer.
A coté de ça je ne pense pas que le wiki soit oublié. C’est justement parce qu’il est facile à mettre en oeuvre au sein d’une équipe et que son intérêt pratique saute aux yeux qu’il est plus naturel que d’autres outils sociaux qui demandent davantage d’accompagnement. C’est peut être parce que c’est l’outil qui pose le moins de problème qu’on en parle moins, pas parce que c’est le moins utilisé, loin de là.
Salut Claude !
En tant qu’entreprise, comme tu sais, nous avons entamé cette réflexion et sommes à mettre en place nos wikis anglophone et francophone. La démarche est longue mais je suis persuadé des effets positifs que cela apportera à Dessins Drummond au cours des prochaines années.
L’utilisation des médias sociaux, comme en parlait entre autre Michelle, demeure aussi un défi car nous nous sommes aperçus que c’est un travail à temps plein !…
Mon point est que la direction d’une entreprise doit être convaincue des effets positifs de ces technologies 2.0 car elles demandent beaucoup d’énergie.
Je suis un des croyants et tu en fais la preuve dans ton billet alors, l’avenir saura nous le dire !
Salut Claude,
En tant que nouveau venu dans le monde de la conversation virtuelle puisque j’ai découvert Facebook, Twitter etc que la semaine dernière et cela afin de me familiariser avec l’idée d’apprivoiser la conversation en ligne… J’aime bien mais jusqu’à présent et en me référant à mes expériences, j’estime que les wikis ont davantage de potentiel que les blogues et les réseaux dits sociaux dans le monde des organisations. Comme le souligne Yves Carignan, c’est une job mobilisante la conversation en ligne et dans mon entourage professionnel, la conversation virtuelle par les blogues et autres outils soulèvent l’intérêt mais aussi la question de la plus value de l’utilisation de ces outils de conversation pour l’organisation. On en sort pas !
À mon avis, dans les entreprises on a probablement raison d’être sur les gardes quant à l’utilisation efficiente des réseaux sociaux. Par contre, les wikis m’apparaissent un tremplin pour introduire le 2.0 dans une organisation quoi que cet outil est relativement peu connu du moins dans les organisations que je connais.
J’apprécie beaucoup ton papier et je ferai circuler puisqu’il brosse un état de la situation qui m’apparaît fort juste. Ce qui me surprend toujours : chaque fois que je propose la création d’un wiki dans le cadre d’un projet soit au travail ou dans mes activités personnelles, je constate que peu de gens connaissent ces outils. À mon avis, un effort promotionnel est requis.
Merci pour ton billet.
Merci à vous trois pour ces commentaires fort pertinents. En réponse surtout à Bertrand, je me dois de différer d’opinion avec toi. Comme tu le remarqueras, dans les commentaires faits par Yves et Guy, la réalité des entreprises ici est fort différente. Le wiki est à mon avis, une façon efficace de prouver aux entreprises que les technologies du Web 2.0 sont profitables et «intégrables» à peu de frais. C’est une sorte de Cheval de Troie 2.0. Les solutions clé en main et tout-en-un à la Blue Kiwi viendront mais faudra encore du temps et comme le mentionne Guy, un effort promotionnel.
@Guy mon billet visait justement à promouvoir un peu plus l’usage des wikis et de la collaboration en entreprise.