Je viens de publier sur Facebook (oui, oui, avant de la faire ici sur mon blogue…) un extrait d’un article paru hier dans Technology Review et qui par son titre semble sonner le glas de Wikipedia. Ce n’est pas le premier. Plusieurs blogues et revues spécialisées insinuent depuis des mois, voire des années, que l’encyclopédie collaborative a vécu et est sur le déclin, que le nombre de contributeurs baisse, que la fondation a de la difficulté à se financer, qu’il y a des guerres internes, etc..
C’est un peu tous ces propos et bien d’autres qu’on retrouve dans un reportage intitulé «The Decline of Wikipedia» et écrit par Tom Simonite. Habituellement, je me méfie des Augures, ce deux qui prédisent ou semblent vouloir prédire l’avenir, surtout en matière de nouvelles technologies.
Mais dans ce cas particulier, Simonite me touche particulièrement car je suis un contributeur à Wikipedia et en plus, il cite abondamment Jimmy Wales, le fondateur de l’encyclopédie mondiale, un bonhomme que j’ai appris à connaître et à apprécier lors de sa visite à Montréal dans le cadre d’un webcom en 2010. J’ai donc retenu quelques passages particulièrement significatifs et qui me poussent personnellement à une profonde réflexion sur l’avenir du Web dit collaboratif ou participatif, collectif ou n’importe quel nom que vous voudrez bien lui donner…Voici l’extrait :
«Jimmy Wales, now just a regular Wikipedian but still influential with editors and the Wikimedia Foundation, dismisses suggestions that the project will get worse. But he believes it can’t get significantly better without an influx of new editors who have different interests and emphases. “When you look at the article on the USB standard, you see it is really amazing and core to our competency as a tech geek community, but look at an entry about somebody famous in sociology, or Elizabethan poets, and it is quite limited and short and could be improved,” he says. “That’s not likely to happen until we diversify the community.”
Première remarque: En effet, Wikipedia ne serait-il l’affaire que d’une centaine de milliers de «geeks» à majorité masculine et un peu macho sur les bords et qui préservent jalousement leur «droit d’aînesse» face aux nouveaux contributeurs(trices) venu(e)s prêter main forte dans d’autres domaines, tels que les arts. C’est une critique très forte, entendue souvent, écrite dans cet article mais aussi vécue personnellement :
«The main source of those problems is not mysterious. The loose collective running the site today, estimated to be 90 percent male, operates a crushing bureaucracy with an often abrasive atmosphere that deters newcomers who might increase participation in Wikipedia and broaden its coverage».
Et dans un certain sens, l’auteur a raison. Les wikis permettent soit un minimum de niveaux d’approbation soit une multitude, comme le démontre ce graphique. Dans toutes les organisations, on nomme ces structures, des systèmes de gouvernance…
Et encore, si ce n’était que cela, cela pourrait quand même fonctionner avec le bon vouloir de tous et toutes. Wales mentionne que la communauté pourrait et devrait vivre et essaimer à travers la diversité des intérêts, des spécialités et des opinions, surtout avec l’ajout d’un nouvel outil d’édition plus «friendly user».
«Wales hopes Visual Editor will do that by attracting people who are similar to those already editing the site but have interests beyond the male- and tech-centric—as he puts it, “geeks who are not computer geeks.” But he admits to worrying that making Wikipedia simpler to edit could instead confirm that the project doesn’t appeal to people who are not computer geeks.»
Mais… Il y a toujours un mais exprimé ici par nul autre que Clay Shirky. Comme le mentionne le reportage, Clay a été un des premiers à vanter les mérites de sites comme Wikipedia et le fait que des gens soient capables de collaborer collectivement et atteindre des buts jusque là impensables pour une entreprise ou organisation conventionnelle.
«Indeed, larger cultural trends will probably make it a challenge to appeal to a broader section of the public. As commercial websites have risen to prominence, online life has moved away from open, self-governed crowdsourcing communities like the one that runs Wikipedia, says Clay Shirky, a professor in the Interactive Telecommunications Program at New York University. Shirky was one of the biggest boosters of an idea, popular during the previous decade, that the Web encouraged strangers to come together and achieve things impossible for a conventional organization. Wikipedia is proof there was some truth to that notion. But today’s Web is dominated by sites such as Facebook and Twitter, where people maintain personal, egocentric feeds. Outside specific settings like massive multiplayer games, relatively few people mingle in shared virtual space. Instead, they use mobile devices that are unsuited to complex creative work and favor neatly self-contained apps over messier, interconnected Web pages. »
La terrible réalité est là. D’une part le commercial a tué le communautaire et d’autre part Facebook, Twitter et le mobile ont tué le partage au profit de l’exposition de soi, de l’EGO ! Je remarque cette tendance à tous les jours sur les réseaux sociaux. J’ai aussi blogué sur la disparition des commentaires sur nos blogues respectifs. Au lieu de commenter cet article, plusieurs d’entre vous allez le retweeter, le «liker» le +sser et ainsi de suite. À mon premier billet sur le Huffington Post Québec j’ai eu plus de 200 partages mais PAS UN COMMENTAIRE ! Et pour celui-ci comme pour les autres, je ne saurai jamais ce que vous en pensez.
Même chose donc pour les Wikis… Parce que Wikipedia en est un. Une encyclopédie collaborative en mode wiki. De moins en moins de contributeurs et surtout une gang de geeks. De plus en plus de compagnies qui essaient d’y faire du placement de produit ou de personnes, des newbies qui tentent de faire de leur mieux pour entrer de nouveaux sujets, parfois gauchement et vous avez la guerre entre les diverses parties. Résultat collatéral: les contenus qui s’appauvrissent. Triste constat que je suis en train d’écrire. Devons-nous tirer le rideau et dire que le Web participatif et collaboratif, basé sur le bonne volonté de changer les choses et même le monde est bel et bien en déclin et que Wikipedia en est l’exemple le plus visible ?
En terminant, quelques chiffres glanés dans le reportage et qui laissent entrevoir une autre réalité : Wikipedia est peut-être en déclin mais continue de dominer le marché de l’encyclopédie en ligne :
Wikipedia c’est:
La version anglaise de Wikipedia a 4.4 millions d’articles; il y a 23.1 millions articles de plus dans 286 autres langues.
On a toujours cru que le nombre d’éditeurs était de 100 000. Le nombre maximal de 51,000 a été atteint en 2007 et a décliné constamment depuis et atteint à ce jour 31,000 éditeurs actifs.
Les fonds amassés par la Wikimedia Foundation sont passés de 4 millions $ à 45 millions $
Juste un commentaire assassin:
2 Commentaires
Ce serait effectivement triste si Wikipedia devait disparaître mais son fondateur n’est pas de cet avis : Ce qu’il mentionne c’est qu’il ne voit pas comment ça pourrait devenir meilleurs ! …et effectivement toute cette hiérarchie à de quoi faire reculer ! Doit-on vraiment connaître tout ça pour écrire un article ? C’est peut être pour ça que seul les Geeks réussissent à s’y retrouver – les poètes n’étant pas disposés à un tel labyrinthe … M’enfin comme disait Achille Talon…
Une note en terminant : en quoi est-ce un problème que la majorité soit masculine… Et ou est le côté macho dont vous parlez ! C’est devenu normal de fesser sur l’homme blanc, mais ici c’est assez gratuit ! Je ne vois pas !
Je suis assez d’accord avec cet article.
J’ai essayé fut un temps de contribuer à Wikipedia dans les domaines ou je pouvais apporter de nouveaux articles et très rapidement jemle suis retrouvé confronté à une farouche opposition de la part des « contributeurs phares » qui refusent l’arrivée de nouveaux dans leur royaume.
Moralité : j’ai vite laissé tombé et il n’est pas rare que je vois des erreurs au sein de cette encyclopédie, qui resteront comme telle par manque d’ouverture.