J’ai insisté, dans le titre de mon dernier billet, sur les tristes constats qu’on pouvait tirer du document publié récemment par le Cefrio sur les usages et meilleures pratiques en matière d’intranet au Québec. J’ai écrit un billet complet sur le premier des 10 constats faits. En reste neuf autres et pas les moindres. Retour sur ces constats.
Le second constat fait porte sur l’accès à l’intranet. Cette question revient souvent chez les clients et dans les conversations entre spécialistes. Bien entendu, une grande partie des entreprises et organisations n’ont pas 100% de leur personnel dans des bureaux où on peut les asseoir devant un poste de travail avec ordinateur fixe ou portable. Donc, se pose la question: faut-il donner l’accès à l’intranet à TOUS les employés et si oui, comment ?
Parce que si oui, se posent tout de suite des questions de sécurité. Sécurité informatique pour donner des accès à distance mais aussi sécurité au travail quand il est question d’employés d’usine… Voici ce que disent les auteurs du document du Cefrio :
«Les intranets soutiennent les processus internes d’une organisation pour augmenter la productivité de ses employés. On pourrait donc s’attendre à ce que tous les employés aient accès à l’intranet afin d’obtenir des gains de productivité maximaux. Or, les études de cas comme les résultats d’enquête indiquent que c’est loin d’être le cas. Pourquoi?
Les organisations ne souhaitent pas que toutes les informations que pourrait contenir leur intranet soient accessibles à tous, et peuvent s’inquiéter de la sécurité des informations, notamment dans le cas d’un accès à distance. Par ailleurs, une augmentation de l’accès s’accompagne de coûts supplémentaires de licence et de matériel.»
La Grande Peur de la Sécurité et les coûts reliés dans bien des cas aux licences mais aussi les travaux nécessaires pour personnaliser l’accès aux informations et/ou applications à distance. Donc, beaucoup d’entreprises et ce qu’a constaté le Cefrio, préfèrent: «plus simple et moins coûteux de limiter l’accès à l’intranet aux employés que l’on estime prioritaires, ce qui peut expliquer que seulement 57 % des entreprises du Québec proposent un accès personnalisé à leur intranet, 45 % donnent accès à l’intranet à tous leurs employés sur le lieu de travail et 13 % à peine rendent l’intranet accessible à distance à l’ensemble de leurs employés».
Les entreprises québécoises ne sont pas au bout de leurs peines en ce domaine car la grande mode, particulièrement aux USA est le BYOD pour «bring your own device». Autrement dit, cela consiste à permettre à un employé d’utiliser ses équipements personnels (téléphone, ordinateur portable, tablette électronique) dans un contexte professionnel.
Bien des entreprises sont en effet dépassées en termes de technologies mobiles et peinent à fournir aux employés les outils que ces mêmes employés utilisent tous les jours dans leur vie personnelle. De la difficulté à suivre en termes d’intégration technologique à l’environnement de travail mais aussi en termes financiers, soit le manque de budgets suffisants pour doter leurs employés des outils comme les tablettes et les téléphones intelligents. Et on ne parle même pas de tout ce qui est Internet des objets…
Selon le Cefrio, «Cette tendance pose des questions juridiques et de sécurité de l’information, et peut s’accompagner de coûts de mise en place importants, de gestion comptable, etc., mais pourrait cependant pallier au manque de matériel mentionné plus haut. Au Québec, parmi les entreprises sondées, 43 % acceptent que leurs employés utilisent leurs appareils personnels au bureau pour se connecter à l’intranet et 54 % ne l’acceptent pas (bien que 12 % d’entre elles y pensent)». 43%, quand même…
La culture propriétaire…
Le constat suivant va intéresser bien des responsables intranet qui sont actuellement à la recherche de la meilleure solution, en termes de plate-forme technologique pour asseoir le bon fonctionnement de leur écosystème d’information, de collaboration, d’intégration des processus de gestion et d’applications de travail, autrement dit, leur intranet…
Si vous désirez faire un balisage des usages au Québec, le travail vous sera facilité par les usages constatés par le Cefrio. Ainsi, on y constate la toujours constante domination de SharePoint. Ce qui est à première vue une mauvaise nouvelle pour les promoteurs du logiciel libre, surtout au gouvernement du Québec. Mais attention ! Tournez le graphique ci-dessus vers la gauche et vous obtiendrez l’équivalent de la Longue Traîne mais pour le socle technologique.
Et aussi bonne nouvelle, ce socle ressemble à quelques différences près à celui publié dans les résultats de l’Observatoire de l’intranet plus tôt cette année. Mais le principal constat n’est pas rose… SharePoint est et demeure l’outil NUMÉRO UN, autant dans la grande (500 employés+) que dans la plus petite entreprise (20-499 employés).
De plus, Lotus Notes (IBM) est le grand concurrent au sein des grandes entreprises. Donc, la dominance du logiciel propriétaire se poursuit et est plus prononcé ici au Québec qu’en Europe, ce qu’on verra dans mon futur billet sur la comparaison entre les résultats québécois et ceux de l’Observatoire. C’est un fait dont j’ai largement traité sur ce blogue dans des billets précédents sur la culture «propriétaire» ici en Amérique du Nord.
Le fameux RSI
Un des constats les plus consternants du document publié par le Cefrio a trait au retour sur investissement en matière d’intranet, la fameux et insondable RSI ou ROI pour les intimes… Ainsi, selon les résultats du sondage fait auprès de 1000 entreprises québécoises, «une minorité d’entreprises (15%) a déjà effectué une évaluation formelle du retour sur investissement de son intranet mais cependant 87% des répondants reconnaissent que l’intranet facilite le travail des employés».
Toujours cette ambivalence entre les retours tangibles et les intangibles… Faciliter le travail des employés ? Oui, je veux bien mais comment ? Et seulement 15% ont fait une évaluation formelle ? Pas étonnant que les directions d’entreprises refusent ou soient frileuses au moment d’investir des $$$ ou des ressources humaines dans la refonte ou le développement de l’intranet. Et pas pour rien que la collaboration et le passage à l’entreprise sociale avec, entre autres, la MI (messagerie instantanée) et les RSE (réseaux sociaux d’entreprise), soit si difficile. C’est, entre autres, un problème de gouvernance. On en traitera dans le prochain billet (comme pour les RSE).
Mais regardez bien le graphique ci-haut. Il est basé sur des PERCEPTIONS de la réalité mais pas sur la réalité elle-même… Les cinq effets majeurs de l’intranet sur l’organisation sont identifiés comme étant probables. Pas surprenant quand seulement 15% des entreprises ou des responsables des intranets font une évaluation du retour sur investissement (RSI)…
Il s’agit ici du «Tendon d’Achille» de tous les projets intranet. À quoi bon faire un cas et/ou un plan d’affaires pour aller chercher les ressources humaines et financières pour faire une refonte ou une évolution quand on n’est même pas capable d’identifier pour nos décideurs, les bénéfices monétaires et la quantification de l’amélioration en rendement ou en productivité ?
Comment mesurer l’amélioration de l’information à l’interne ou encore la collaboration et la socio-professonnalisation de nos relations avec nos confrères et consoeurs de travail ? De l’intangible tout ça. C’est seulement quand on en arrivera aux processus de gestion et aux applications de travail qu’on pourra chiffrer l’efficience. Entre-temps, j’ai épluché tous les chapitres du guide des meilleures pratiques du Cefrio pour trouver le Graal du RSI.
Voici le seul passage que j’ai trouvé et que je trouve symptomatique de la situation générale en ce domaine. À noter qu’ils citent allègrement Andrew McAfee qui apparaît ci-dessous avec à sa gauche votre humble serviteur et Bertrand Duperrin.
«Bien qu’il soit probablement illusoire de chiffrer avec précision les gains financiers relatifs à la mise en place d’un intranet, l’organisation peut en anticiper les bénéfices. Pour ce faire, le plan d’affaires constitue un outil essentiel. Selon Andrew McAfee, directeur du Center for Digital Business de la MIT Sloan School of Management, tout plan d’affaires visant à justifier la création d’un intranet devrait contenir les renseignements suivants :
– Une description des coûts techniques (p. ex., achats de logiciels) et socio-organisationnels (p. ex., dépenses de formation) associés au projet.
– Une présentation de l’échéancier du projet : les promoteurs doivent adopter une approche réaliste qui tient compte des imprévus.
– Une présentation des retombées attendues de la mise en place de l’intranet sur l’organisation et ses clients (p. ex., une hausse du nombre d’innovations radicales produites par l’équipe de RD, une augmentation des ventes réalisées par les représentants). Pour appuyer ces prévisions, McAfee recommande d’inclure des exemples de bénéfices que d’autres organisations ont tiré de leur intranet.
– Une discussion quant à la portée que l’intranet aura sur les plans géographiques, organisationnels et fonctionnels (p. ex., ses fonctionnalités de wiki seront utilisées par les divisions vente, soutien à la clientèle et RD, ses outils de vidéoconférence serviront à tous les bureaux de l’organisation).
L’intranet sert à améliorer les processus internes, lesquels sont en partie mesurables par des indicateurs quantitatifs (p. ex., temps passé pour la réservation d’une salle de réunion ou pour trouver un fichier). Prioriser les fonctionnalités dont on connaît les coûts permet d’avoir un meilleur contrôle sur le budget alloué.».
Au moins, le dernier paragraphe vient appuyer ce que j’ai écrit… Demain un dernier billet sur les constats et ensuite je passe à la conclusion avec la comparaison Québec-France.
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