Je vous ai déjà parlé de la conférence qu’a donnée Ray Kurzweil en 2007 à TED. Je vous ai aussi parlé de M. Kurzweil à la suite d’un reportage étonnant réalisé sur lui par le magazine Wired en mars 2008. Eh bien, ce visionnaire un peu sauté sur les bords a récidivé en début d’année et fait la une du Web et même des médias traditionnels car il s’est entendu avec nul autre que Google et le NASA afin de créer une nouvelle université de la Singularité !!!
La singularité, c’est l’obsession du môssieur… Il s’y prépare sérieusement, ce qui a fait l’objet du reportage dont je vous ai parlé dans Wired. Cette université, qui n’aura d’université que le nom, aura pour but de préparer tous ceux qui le veulent à cette «singularité». Vous avez la définition en hyperlien ICI mais en gros c’est un le moment où la technologie et en particulier l’intelligence artificielle va changer le destin de la race humaine. Et cela, ce n’est pas pour dans 100 ans.
Dans la vidéo ci-dessous, vous le verrez, il en parle pour 2020-2025. Ça c’est dans une dizaine d’années environ. Dix ans, c’est demain !!!
La conférence de Kurzweil à TED
D’ailleurs, selon lui, nous avons déjà terminé ou presque le travail de «mapping» du cerveau humain… Dans quelques années, nous pourrons intégrer, grâce aux nanotechnologies, des «mini-rooters» dans notre cerveau pour nous faire basculer d’un univers à un autre. Du réel au virtuel… Et viendra le temps où l’humain fusionnera avec la machine, robot ou ordinateur. i.e. Cyborg.
Bref, Google, la Nasa et Kurzweil y croient eux et financeront cette institution qui donnera des cours en : nanotechnologies, biotechnologies et intelligence artificielle… Vous voyez le rapport ? Comme l’a dit Kurzweil à l’AP: “One of the objectives of the university is to really dive in depth into these exponentially growing technologies, to create connections between them, and to apply these ideas to the great challenges [facing humanity].”
La NASA fournira le campus et Google le premier million de $ mais d’autres entreprises vont être sollicitées à 250 000 $ pièce tandis que les élèves devront payer 25 000 $ pour une session de neuf semaines ! Intéressé(e)s ? Vous pouvez vous inscrire à : SingularityU.org.
De Kurzweil à Cartier…
Ce que je viens d’écrire est la reproduction d’un billet que j’ai commis il y a quelques semaines… Hier, en lisant un texte de prospective écrit par Michel Cartier (ancien prof à l’UQAM et un de nos grands penseurs québécois sur l’impact de la cultutre numérique sur notre société), que je devais commenter avant sa sortie dans les prochaines semaines, je me suis souvenu de ce principe. Après avoir lu et relu le texte de Michel Cartier et ensuite fouillé dans d’autres textes de d’autres auteurs dont le bouquin «L’Homme nomade» de Jacques Attali, je me suis finalement endormi et là, j’ai fait un rêve conceptuel.
Ce rêve, je l’ai livré en commentaires ce matin à ce même Michel Cartier mais je tiens aussi à le partager avec vous. En introduction, disons que Michel insiste beaucoup, dans ses travaux et écrits, sur la rupture historique que nous vivons actuellement, une rupture aussi bien économique, que politique et sociale. De là, ce qui suit :
Fracture de l’humanité
Les avancées technologiques sont trop rapides (Le choc du futur, la loi de Moore, etc.), causent une mésadaptation des générations BB et X. Il en résulte la crise que nous vivons actuellement et qui contrairement à ce que disent certains, se prépare depuis bien des années :
Politique
et = 2006-2015
Économique
Un fossé se creuse aussi entre les riches et les pauvres mais surtout entre les vieux et les jeunes des générations Y et NetGen. Il en résulte aussi une crise dont on a vu les premiers souvresauts à Gênes en 2001 dans le mouvement naissant contre la mondialisation et ensuite avec éclat et fracas dans les banlieues françaises en 2005 :
Sociale = 2005-2015
Du chaos généré par ces crises, on verra apparaitre un réalignement politique, économique et social basé sur :
UNE RÉVOLUTION CULTURELLE GLOBALE :
Basée sur le retour d’une humanité nomade faite de sociétés basées sur trois piliers et faites de trois strates démographiques :
Les piliers : la démocratie, le commerce, la religion
Les strates :
Les «digital nomads»
À l’aise financièrement, relativement âgés et hyper-branchés à la planète Web. Ils vivent le travail libéré du lieu et seront branchés à Internet2 et aux mondes virtuels (Metaverse)
Les «hyper nomads»
Issus des générations Y et NetGen, quelques centaines de millions d’individus (artistes, hyper-spécialistes, scientifiques, détenteurs de savoirs-faires industriels et néo-économiques), utiliseront Internet2 et mèneront à terme l’avancée technologique vers la singularité. Avec les derniers digital nomads, ils formeront un réseau qui gouvernera le monde devenu village.
Les «infra nomads»
La majorité de l’humanité, ils seront les moteurs principaux de l’Histoire, de l’économie et de la politique. Ces nomades se croisent en quête de travail et de vie meilleure, seront branchés à Internet et auront leur mot à dire sur la répartition du travail et de la richesse mais seront en opposition les une aux autres sur leur interprétation des trois piliers.
ET L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES TECHNOLOGIES :
QUI VONT NOUS MENER VERS :
La singularité = 2025
Ce texte tiré de la définition de Wikipédia explique bien ce qu’est cette singularité :
«C’est un concept, selon lequel, à partir d’un point hypothétique de son évolution technologique, la civilisation humaine sera dépassée par les machines – au-delà de ce point, le progrès n’est plus l’œuvre que d’intelligences artificielles, elles-mêmes en constante progression. Il induit des changements tels sur l’environnement que l’Homme d’avant la Singularité ne peut ni les appréhender ni les prédire de manière fiable.
Cet évènement est ainsi nommé par analogie avec l’impuissance de la physique moderne à proximité de la singularité gravitationnelle d’un trou noir.
Lorsqu’on les représente sur un graphe logarithmique, 15 listes différentes d’événements de l’histoire humaine montreraient une tendance exponentielle. Listes préparées entre autres par Carl Sagan, Paul D. Boyer, Encyclopædia Britannica, American Museum of Natural History et l’Université de l’Arizona, compilées par Ray Kurzweil.
De telles conséquences ont été débattues dans les années 1960 par I. J. Good (voir l’article Intelligence artificielle). Selon Ray Kurzweil, cette notion de Singularité technologique aurait été introduite par John von Neumann dans les années 1950. La Singularité a acquis une certaine popularité dans les années 1980 grâce à Vernor Vinge. La venue éventuelle et la date de la Singularité sont sujets à débat, mais les futurologues et les transhumanistes l’attendent en général pour la troisième décennie du XXIe siècle.
D’autres, notamment Kurzweil, ont proposé des théories étendant la loi de Moore à des formes de calcul autres qu’informatique, qui suggèrent que les phases de croissance exponentielle du progrès technologique feraient partie de motifs visibles à travers toute l’histoire humaine et même avant l’apparition de la vie sur Terre. D’après Kurzweil, ce motif aboutit au XXIe siècle à un progrès technologique inimaginable».
La singularité implique la création d’une nouvelle forme de nomades.
Les cyber nomads : Ils seront le fruit du croisement homme-machine, seront les prochains militaires, explorateurs de l’espace et des profondeurs abyssales.
De la science-fiction, vous direz ? Moi je ne crois pas. La seule chose contestable à mon avis dans ce scénario c’est la question des dates mais vous conviendrez qu’en proportion de tout le reste, c’est un détail…
3 Commentaires
Bonjour,
Intéressant, mais un peu complaisant avec un ordre sans humain qui ferait fonctionner le monde. J’ai entendu Ray Kurweil lors d’une conférence sur les handicaps et la technologie à Los Angeles en 2007 qui nous expliquait qu’avec la croissance exponentielle, les handicaps humains seraient réglés à terme.
C’était séduisant, expliqué avec enthousiasme, mais il manquait deux sujets à sa présentation : le sens du handicap qui n’était plus pour lui qu’une déficience mécanique à réparer ou remplacer, et surtout la crise écologique et le réchauffement climatique, totalement absents du discours.
La crise économique et l’augmentation des écarts de revenus ne sont pas tombés du ciel : ce sont les produits de décisions concertées, d’absence de décisions, de choix, d’aveuglements d’humains conscients, constamment combattus par d’autres humains encore plus conscients.
La crise écologique aussi. Brûler du pétrole, croire en une croissance illimitée dans un monde fini, sont des choix acceptés, mesurés, pour lesquels de nombreuses alertes ont été documentées, des alternatives proposées (MCN21, http://mcn21.org par exemple).
Je comprends bien que le développement exponentielle de la technologie nous donne le vertige, nous fasse imaginer notre rôle dans un ordre plus grand – nous diminuant d’autant. Mais si c’est pour nous décharger des responsabilités de la destruction que nous nous imposons, ça n’est pas très utile.
Si le futur de l’humanité, c’est de devenir des cyborgs munis de prothèses indispensables pour survivre dans le monde qui sera pollué par leur production…
En matière de futurologie, Kurzweil me fait penser, en plus ambitieux, à Peter Schwartz qui a publié en 1999 «The Long Boom: A Vision for the Coming Age of Prosperity» ou à George Gilder qui a commis pour sa part en 2002 «Telecosm: The World After Bandwidth Abundance». Tous deux ont eu droit aussi à de longs articles dans Wired. Le premier avait d’ailleurs échafaudé ses élucubrations dans un article publié d’abord dans Wired en 1997 sous le titre «The Long Boom: A History of the Future, 1980 – 2020» http://www.wired.com/wired/archive/5.07/longboom.html.
Selon Schwartz, l’utilisation massive des technologies de l’information nous permettait d’accéder enfin à un monde caractérisé par une croissance sans interruption. À ses yeux, la possibilité de produire quasiment sur demande nous accordait le pouvoir d’éliminer les inventaires et donc les cycles économiques en ajustant constamment l’offre à la demande. Beau en théorie, mais difficilement applicable dans la pratique comme l’ont démontré immédiatement après l’éclatement de la bulle Internet et sept ans plus tard l’entrée dans la dépression actuelle, deux phénomènes auxquels ne sont pas étrangères non plus les dites technologies de l’information. Gilder a anticipé trop vite pour sa part l’impact de l’omniprésence de la large bande passante (loin de s’être rendue jusqu’à domicile au Canada et aux États-Unis encore jusqu’à maintenant) et s’est attiré le courroux des investisseurs qui ont suivi ses conseils et investi dans les sociétés de télécommunications qui voulaient y pourvoir.
On sait depuis longtemps que les futurologues pèchent pour la plupart par la trop grande linéarité du changement induit par les suites de causes à effets que leur cervelle produit. Ils ne tiennent pas du tout compte de la théorie du chaos qu’ils connaissent sans nul doute à coup sûr. Schwartz fait pourtant partie d’un courant de la futurologie qui l’a prise en compte pour conclure à l’impossibilité de prévoir l’avenir de façon incontestable. C’est trop complexe. C’est pourquoi ce courant préfère fonctionner avec trois scénarios contrastés pour mieux voir les possibles : celui du meilleur qui pourrait arriver, celui du pire et le scénario du milieu incorporant des données des deux précédents.
Dans la réalité, c’est le troisième scénario qui se produit la plupart du temps. Tout ceci parce que l’évolution ne comporte pas que des bons côtés. Il y a toujours des «trade-off». On suppose qu’il y aura progrès en imaginant que les avantages l’emporteront sur les inconvénients. En nous reportant au contexte actuel (et en gardant le nez beaucoup trop collé sur la vitre, je vous l’accorde), c’est même loin d’être certain. Je vous renvois là-dessus à un article de Kevin Kelly (ex-éditeur de Wired jusqu’en 1999 que l’on peut difficilement accuser d’être un «luddite»), «Why Technology Can’t Fulfill» http://www.kk.org/thetechnium/archives/2009/06/why_technology.php , où il explique que les Amish ont une meilleure qualité de vie que les gens les plus branchés.
Kurzweil a raison de penser que des découvertes fabuleuses vont émerger (terme approprié sur ce blogue) de la rencontre de la physique, de la biologie et de la chimie dans l’exploration de la dimension inférieure à 100 nanomètres. Google et la NASA n’ont pas besoin d’endosser toutes ses fantaisies pour l’encourager. Il y aura certainement des retombées. Après tout, le premier roman de science-fiction de la littérature anglaise, Frankenstein, ne s’est pas trompé sur toute la ligne puisque les greffes d’organes sont devenues monnaie courante un siècle et demi plus tard.
À mes yeux, Kurzweil et les transhumanistes sont mus par un désir semblable à celui des alchimistes qui aspiraient à contourner les lois de la nature pour réussir l’impossible. Je trouve Howard Bloom (auteur de «The Lucifer Principle» et «Global Brain») plus éclairant quant à notre destinée collective. Je résume sa pensée : les hommes (par extension, tous les membres d’une même espèce vivante) sont mortels afin que l’humanité puisse se perpétuer. Vouloir y contrevenir nous exposerait à bouleverser l’équilibre naturel de la même manière que nous y sommes déjà arrivés en étant la cause des changements climatiques actuels.
Il faut se méfier de nos ambitions démesurées. Sous ce rapport, il n’y a pas que les dinosaures et les passéistes qui s’inquiètent. Bill Joy, co-fondateur de Sun Microsystems qui en fut son chef scientifique jusqu’en 2003, a publié cette même année dans Wired (qui n’a pas toujours des lunettes roses face à l’innovation heureusement) un article magistral, «Why the future doesn’t need us» http://www.wired.com/wired/archive/8.04/joy.html , où il nous mettait en garde contre les dangers des nanotechnologies à défaut d’appliquer un principe de précaution dans leur développement. Plusieurs autres chercheurs prestigieux n’ont pas eu peur de s’ériger à l’encontre des rêves échevelés de leurs confrères au risque de passer pour des réactionnaires finis. Martin Rees, astrophysicien britannique célèbre, a donné en 2003 également 50% de chances à l’humanité de survivre au-delà du présent siècle dans son livre «Our Final Hour». Jacques Blamont, physicien français qui a travaillé pour la NASA et le projet Ariane en Europe, broie encore plus de noir. Dans «Introduction au siècle des menaces», livre paru en 2004, il ne voit pour sa part aucune issue pour échapper à l’une ou l’autre des nombreuses finales horribles qui pèsent sur nos têtes comme autant d’épées de Damoclès.
En pensant à l’avenir, j’aime donc autant m’en remettre à une synthèse des visions les plus optimistes et les plus pessimistes à la fois. Les chances de voir juste m’apparaissent ainsi plus sûres.
[désolé] en lisant le titre de ton/votre billet (dans la veille de Narvic reprise sur Nuesblog) j’ai cru lire du Attali. A relire donc 🙂
[/désolé]