S’il faut en croire Thomas Davenport, la réponse est oui car il n’a pas arrêté, au cours du débat-webinar qui s’est tenu aujourd’hui, de le traiter ainsi : «Stop talking messianic» a-t-il lancé lors d’un échange un peu musclé. En fait Davenport est revenu dans ce débat avec les arguments qu’il avait employés à Boston l’an dernier : L’entreprise 2.0 n’existe pas, et toutes les technologies du Web 2.0 ne changeront pas les entreprises, du moins dans leur modèle organisationnel. Mieux, il en remet en affirmant que les entreprises peuvent faire tout ce que «promettent» les technologies du Web 2.0 avec des technologies antérieures, du fax au courriel en passant par Lotus Notes !!!
En fait son argumentation tient à deux choses : «CEO’s will still want to be CEO’s, so organizations won’t change because of these technologies» et son second point est que les entreprises peuvent faire aussi bien avec les outils du 1.0 qu’avec ceux du 2.0. «the tools have been there for a few decades». Il a ainsi provoqué Andrew McAfee tout au long de l’heure qu’a duré le débat. De son côté, McAfee s’est bien défendu d’être un messie de l’entreprise 2.0 et est resté très modéré dans ses propos, tentant de donner des exemples d’entreprises où l’adoption d’outils du Web 2.0, blogues ou wikis en particulier, ont modifié leur approche à la collaboration, le partage du savoir et l’innovation.
Il s’est longuement étendu sur le cas de la CIA et de son «Intellipedia», qui selon lui, a changé la façon dont l’information est maintenant partagée au sein de l’agence. Davenport a rétorqué que les changements au sein de l’agence ont été avant tout organisationnels et motivés par les événements de 9/11 et que les outils du 1.0 auraient tout aussi bien fait l’affaire. À un certain moment, il a même parlé qu’il valait mieux encore avoir un gestionnaire qui partage l’information en faisant le tour des bureaux en réponse à McAfee qui parlait de l’importance des blogues en entreprise ! Au moins à cet argument, McAfee a rétorqué avec justesse :«The new technologies can help management to stay on top of what’s happening in the enterprise».
À la fin du débat, le modérateur Jim McGee, qui incidemment, penchait plus du côté de McAfee et qui intervenait même en essayant de coincer Davenport, a fini par dire que trop de temps avait été perdu dans ce débat sur une guerre des mots. Et il avait raison car les deux protagonistes ont passé un bon dix minutes à parler du bien fondé ou non du terme Entreprise 2.0, Davenport parlant de Groupware 2.0 ou de de KM 1.0 et revenant à son mantra «You have in the enterprise all what is needed to do the same things Web 2.0 is supposed to do». Quelle frustration de ne pas pouvoir intervenir et répondre : Mais si tous les outils sont là, pourquoi l’entreprise ne réussit-elle pas à mieux collaborer, à mieux capturer et partager le savoir, pourquoi perd-elle constamment sa mémoire ???
Un autre exemple de cette grande incompréhension : Andrew McAfee tenait en partie la réponse à ces interrogations en parlant des architectures technologiques organisationnelles rigides et fermées qui ont été créées par les TI. Que ce sont elles qui ont limité le potentiel créateur et innovant des employés. Là-dessus, tout ce qu’a trouvé à répondre Davenport c’est qu’on avait créé les bibliothèques et que ces dernières sont très architecturées (…) Et les deux protagonistes de s’entendre sur le fait que ces architectures existent parce que les gestionnaires ne veulent pas perdre de pouvoir et de contrôle mais Andrew McAfee de revenir ensuite en disant qu’ils auraient tout avantage à desserrer la bride et à promouvoir l’utilisation des nouveaux outils afin de générer plus d’innovation «and to unleash creativity».
Le plus frustrant, ce fut d’entendre Davenport répliquer :«They can do it with the existing technology tools or even the previous ones». Mais pour l’amour, pourquoi ne l’ont-ils pas encore fait ? Pourquoi les outils de KM 1.0 n’ont-ils jamais donné les résultats escomptés ? Pourquoi le eLearning n’a-t-il pas levé ? Pourquoi les CMS et WCMS sont-ils toujours si difficiles à utiliser («cumbersome», dixit McAfee) ? Pourquoi la GEID est-elle si difficile à implanter ?
Que McAfee ait inventé le terme d’entreprise 2.0, ce qui déplait au plus haut point à Davenport, ne veut pas dire que l’entreprise va changer du jour au lendemain. Tous s’entendent là-dessus. Et Davenport de concéder :«Yes explore these technologies, yes add them to your toolkit but don’t hope that these technologies will transform the enterprise by thmselves». Et il a raison là-dessus. McAffee renchérit d’ailleurs en disant que son entreprise 2.0 «is a blend of technologies, some more powerful in transformation than others». Aussi raison…
Mais tous deux passent à côté du vrai enjeu pour l’entreprise de demain, 2.0 ou pas 2.0… Davenport et McAfee sont de la génération du BabyBoom et n’anticipent pas ou n’ont pas voulu anticiper, dans ce débat, l’aspect fondamental du changement organisationnel que les générations 2.0 et 3D (la génération Y et la NetGen) vont imposer à l’entreprise : leurs valeurs, leur mode de vie, leur façon de voir le travail, leur façon de collaborer et leurs outils pour le faire. La vieille hiérarchie n’a qu’à bien se tenir car une autre et à la veille de naître et Jon Husband en parle depuis déjà quelques années : la Wirearchy. Une relation à l’autorité beaucoup plus inclusive, moins autoritaire, plus participative et non directive. Une entreprise plus horizontale que verticale et branchée non seulement sur les technologies mais sur la créativité de ce que l’on appelle encore aujourd’hui et de façon très 1.0, son «capital humain».
4 Commentaires
Excellent !!!
Mais pour que les générations 2.0 et 3D imposent une nouvelle façon de se comporter dans l’entreprise, ne devons nous pas attendre qu’ils vieillissent un peu eux aussi et prennent véritablement les commandes des postes clés de nos entreprises ?
Ils seront alors trop dans le moule, au bout de six mois c’est déjà souvent le cas…
Ce qui peut changer c’est l’effet de nombre car la vague de recrutement sera pour ce coup là massive et on peut donc penser qu’ils vont organiser un réseau social non controlé par la hiérachie institutionnelle et en dehors de tout organigrame
J’avoue que je pense aussi que l’entreprise dispose souvent déjà des technos pour mettre en place l’Entreprise 2.0, même si elle ne les exploite pas ou ne sait pas l’exploiter. Et Lotus Notes n’est à mon sens pas la moindre, à condition de customiser l’outil.
Reste qu’effectivement, l’entreprise passe souvent à coté du potentiel de ces outils, et il est psychologiquement parfois plus simple de lui « vendre » des outils plus modernes (blog, wiki,…), même si fonctionnellement, c’est souvent beaucoup plus pauvre à l’usage.
Je pense aussi que l’on sous-estime les freins psychologiques associés à l’usage de ces outils :
* Comportementaux & Psychologiques
– Viscéraux & inconscients
– Hostilité raisonnée
* Conceptuels
– Incompréhension des potentiels
– Dévalorisation de certaines solutions
– Identifier le besoin avant la solution et non les opportunités d’une solution
* Organisationnels
– Tous les projets ne s’y prêtent pas
– La maturité des organisations n’est pas toujours compatible avec les outils ou les usages
– Structure fortement hiérarchique
* Managériaux
– Manque d’implication du Management
– Hiérarchie forte, refus des communications transverses
– Pas de formation ni d’accompagnement
– Capacité à « lacher prise » pour faciliter le processus créatif
– Recherche de productivité peu compatible avec le processus d’innovation
– Management centré sur l’individu et non sur le groupe
– Manque de formation des managers
– Culture du secrêt
* Stratégiques
– Coût d’achat et de mise en oeuvre de certaines solution
– ROI pas toujours évaluable
– Culture du secrêt pour protéger l’avantage concurrentiel
* Techniques
– Présence de serveurs de fichiers
– Complexité des interfaces
– Equipements non compatibles
– Risques de sécurité
– Systèmes de sécurité trop limitants
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