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Quand la guerre 1.0 a désespérément besoin du 2.0…

19 août 2010

Ces jours-ci, je fais ce que l’on peut appeler un devoir de mémoire. Je recule dans le temps à travers les billets de mon blogue à la recherche de toutes les pépites d’or qui peuvent me servir pour la rédaction de mon prochain livre. Et hier, je suis tombé sur ce billet écrit il y a plus de deux ans. En le relisant, je me suis aperçu qu’il gardait toute sa pertinence au vu et au sû de ce qui se passe actuellement chez nos Voisins du Sud mais aussi au Canada, les deux nations étant engagées dans un même combat en Afghanistan. Alors, quand le 1.0 a désespérément besoin du 2.0…

Vous connaissez le principe du «Network Centric Warfare» ? Ou encore «Battlefield Internet» ? À ceux qui auront répondu des jeux vidéo, je dirai : Vous brûlez mais ce n’est pas tout-à-fait cela… C’est en fait l’application des jeux vidéo, des intranets, de l’Internet, de la connectivité à extrême haute vitesse et du «Grid Computing» au service de la stratégie militaire américaine. «Battlefield Internet», dont j’ai déjà parlé ICI, c’est la puissance d’un intranet global (armée, marine et aviation + services spéciaux) mis au service d’un nouveau concept de guerre chirurgicale et hautement technologique, soit le «Network Centric Warfare», dont Michel Cartier faisait état dans ses conférences.

Mais c’est bien plus que cela… Dans son édition de décembre 2007, le magazine Wired a consacré un reportage percutant sur les ratées de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan ainsi qu’aux ratées de Tsahal au Liban et intitulé : «How Technology Almost Lost the War : In Iraq, the Critical Networks are Social». Selon l’auteur Noah Shachtman, ces ratées sont le fait et l’oeuvre du concept de NCW, un concept créé au début des années 1990 par Arthur Cebrowski et John Garstka, tous deux alors capitaines, un dans la marine et l’autre dans l’aviation.

Tous deux maniaques de nouvelles technologies, ils ont élaboré ce tout nouveau concept de guerre technologique avec soldats quasi-virtuels reliées par intranet à leur poste de commandement, lui-même relié à un centre des opérations. De même pour les véhicules, les tanks et ainsi de suite… Le concept a fait ses premières preuves lors de la guerre du Golfe. Vous vous souvenez de la foudroyante avance dans le désert, les pertes énormes chez les Irakiens, les frappes chirurgicales ? Tout cela, c’est le résultat de leur théorie de guerre en réseau.

L’armée du futur apprend les leçons du passé

Le concept, on le voit, a eu du bon… Ils en concluaient que moins de soldats étaient nécessaires pour faire de plus vastes dommages à une armée ennemie et infliger moins de pertes chez les civils. En fait, ils parlaient d’une avancée historique dans le concept de la guerre. On aurait rien vu de tel depuis Napoléon !!! Rien de moins… Forts des résultats obtenus dans le désert du Koweït, les américains et surtout Georges Bush et Donald Rumsfeld en tête, ont décidé d’y mettre le paquet et de créer l’armée du futur. Investissement prévu : 230 milliards de dollars !!!

On a complètement revu les télécommunications, les serveurs et le stockage de données, fusionné les intranets inter-armes, branché les véhicules et les soldats. Mais ce n’est pas tout, on a amélioré les technologies de ciblage et de tir, les armes elles-mêmes, etc… Et finalement, par-dessus le tout, on a formé officiers et soldats à cette nouvelle réalité. Et c’est bien de parler de nouvelle réalité car toute la formation a été remaniée pour être donnée sous forme virtuelle, soit en simulation, soit en gaming ! Avec une population dont l’âge varie entre 18 et 25 ans, quoi d’autre ???

Bienvenue donc dans l’armée du futur. Une armée technologique, rapide, puissante, mobile mais pas nécessairement énorme en termes de nombre. De quoi se croire tout-puissants et ainsi jouer aux gendarmes du monde… Piège dans lequel sont tombés Bush et Rumsfeld. Et c’est reparti : Tout d’abord l’Afghanistan et ensuite l’Irak. Les choses ont été relativement bien dans la première phase de ces deux guerres. En fait tant que la guerre a été traditionnelle. Une guerre de mouvement où on cherche à détruire les forces de l’ennemi.

Mais là où cela ne va plus, c’est dans une guerre de résistance et de terrorisme alors qu’il faut occuper un large territoire avec peu de troupes. Dans pareil cas, rien ne faut une bonne vielle bombe artisanale ou un kamikaze, concepts historiques… Et comme dans l’histoire, les USA ont eu tendance à se protéger comme dans le Far-West où les soldats pas assez nombreux restaient dans leurs forts et faisaient des sorties punitives. Même chose d’ailleurs au Vietnam. Donc, le reportage montre que les USA sont en train d’apprendre que le NCW n’est pas une panacée et ne fonctionne pas dans de pareils cas. Ils apprennent à la dure n’ayant pas tiré de véritables leçons des guerres précédentes.

Quand la guerre 1.0 a désespérément besoin du 2.0…

Ce qui fonctionne ? Le Web 2.0 voyons !!! Vous riez ? Sachez que les cours en simulation virtuelle portent maintenant sur les relations avec les Irakiens, sur les traditions, les us et coutumes, sur comment engager une conversation et comment se faire des amis… Bref, comment faire de «networking» avec la population afin de contrer les «insurgés», comment collaborer avec les élus locaux, «mettre les Irakiens de leur bord».

Pour ce faire, ils ont créé les HTT, pour Human Terrain Teams et ces derniers ont même des blogues !!! Et ils ont aussi engagé 150 «Social Scientists» qui ont été «embeddés» dans 26 unités et qui ont travaillé sur les «Six Degrees of Separation». Ces derniers travaillent sur les contacts humains, certes, mais auront aussi à leur disposition des serveurs et logiciels sociaux… Déjà en socialisant avec la population locale, en entrant en contact sur des bases culturelles et sociales, la stratégie a payé et le nombre de morts et blessés en Irak a été en forte baisse.

C’est un peu ce que voulait dire l’ambassadeur américain Robert Gates en 2007 en parlant du manque de préparation des troupes de l’OTAN à cette nouvelle réalité sur l’autre théâtre d’opérations soit l’Afghanistan..

MAJ

Une stratégie sur le terrain mais aussi une autre pour l’ensemble des forces armées toutes armes confondues. C’est ainsi que le Département de la Défense s’est doté d’un Social Media Hub. On y retrouve une foule de données intéressantes ainsi que des présentations comme celle-ci, inoffensive car on ne s’attend guère à y retrouver des documents sensibles à la Wikileaks ou encore les conversations des membres des HTT ou des Social Scientists. En fait, le hub donne accès à toutes les plates-formes 2.0 utilisées à l’externe par tous les services mais rien, bien entendu, sur ce qui a été intégré aux intranets traditionnels.

DODSMH

Gates est maintenant secrétaire à la Défense et le général Petraeus, grand responsable de la «2.0 isation» en Irak est maintenant en Afghanistan pour tenter d’appliquer les mêmes mesures contre-insurrectionnelles. Les troupes américaines se retirent lentement de l’Irak mais les HTT sont redéployés en Afghanistan. Sauront-ils calmer les ardeurs talibannes  ? Pas sans aller eux aussi au casse-pipe comme le souligne ce IN MEMORIAM sur le blogue des HTT…