Bon, le temps est venu de reprendre du service… Et avant de faire certains billets qui m’ont hanté l’esprit depuis plus d’un mois dont celui sur les plus récents résultats de l’Observatoire de l’intranet (demain), je me dois tout d’abord de republier en guise d’entrée en matière, celui commis fin 2009 sur les communautés à l’interne et leurs divers niveaux de personnalisation.
J’avais écrit ce billet en pleine consultation chez un client qui désirait se doter d’une communauté professionnelle interne. Notez bien que je choisis mes mots. Je ne parle pas de médias sociaux… Il y a une grande différence, trop souvent gommée, entre médias sociaux et réseaux sociaux. Ce gommage « à la Facebook » nuit beaucoup à l’intégration de ces réseaux à l’interne mais bon, ce sera l’objet d’un autre billet…
Pour le moment, je travaille avec un autre client à la refonte de son intranet et possiblement l’intégration d’outils collaboratifs et les besoins de communautés ou de réseaux internes se révèlent fort semblables:
Ainsi, on a cru au départ au grand paradigme de la transformation globale et uniforme de l’entreprise traditionnelle en entreprise 2.0. La pratique est en train de prouver le contraire… En effet, plus je travaille avec mes clients au déploiement de stratégies Web 2.0 et de certains de ses outils à l’intérieur de leurs entreprises ou organisations, plus je m’aperçois que ce déploiement doit se faire de façon graduelle, avec au départ un ou des projets pilotes ou « bac à sable », comme disent les cousins.
Très important que d’identifier, dans un premier temps, les volontaires ou encore les clients internes qui soient prêts à plonger dans l’aventure et assez enthousiastes et convaincus pour faire d’un simple carré de sable, une histoire à succès. Et pas seulement que de les identifier… Ces derniers auront, avec l’équipe de projet, une énorme responsabilité: Réussir à implanter une communauté interne, un wiki, un blogue ou une idéagora et surtout à les dynamiser.
Important aussi que d’identifier les personnes aptes à dynamiser l’expérience, ceux que l’on nomme maintenant les gestionnaires de communautés ou encore les curateurs de contenus. Il s’agit là d’une responsabilité qui échoit à l’équipe de projet. Mais attention ! La réussite d’une stratégie Web 2.0 en entreprise ne doit pas dépendre uniquement, diront certains, de châteaux de sable…
Elle doit être conçue en phases mesurées dans le temps (j’entends certains parler d’étapisme…) et qu’il faut aussi ternir compte de réalités différentes dans les unités d’affaires et profiter, si possible, d’une refonte de l’intranet existant (s’il existe bien entendu), miser sur ses forces et corriger ses faiblesses. Un peu comme l’a défini Ross Dawson dans ce diagramme:
Les réalités sont très différentes, que se soit au point de vue fonctionnel ou opérationnel. La mise en place des communautés internes, blogues ou wikis doit s’intégrer dans une stratégie de refonte de l’intranet existant et profiter, si possible, des fonctionnalités de personnalisation afin de présenter aux employés les informations corporatives et la conversation sur ces dernières ainsi que la collaboration sur les grands enjeux de l’entreprise dans un espace global et ouvert. Bref, l’intranet offrira par la gestion des profils personnels (personnalisation et SSO), un accès illimité à cette grande communauté d’entreprise.
Mais il n’y a pas que cette grande communauté… Là, je rejoins le discours que nous tenions au début des années 2000 en tant que spécialistes de l’intranet. La personnalisation des intranets est la solution à l’intégration du Web 2.0 dans l’entreprise en permettant de créer différents niveaux de communautés dans l’entreprise.
Dans mes conférences antérieures sur les intranets, je parlais de trois niveaux de personnalisation dans l’intranet d’entreprise: Moi en tant qu’employé, moi en tant que spécialiste dans ma communauté professionnelle, et moi en tant qu’employé dans l’entreprise. Ces trois niveaux, je les applique maintenant aux communautés qui généreront par la suite les réseaux internes.
Premier niveau
Comme nous venons de le voir, le premier niveau de communauté touche l’entreprise dans son ensemble. Des communautés que je nomme d’intérêt et qui sont ouvertes à tous les employés: profil personnel et professionnel à partager avec tous afin de faciliter la communication et la conversation, faciliter aussi l’identification des expertises et faciliter l’innovation participative. Ces communautés d’intérêt sont corporatives et créées et animées par un gestionnaire de communauté aidé de super-utilisateurs qui forment habituellement jusqu’à 10% des employés.
La communauté d’intérêt et ouverte chez Booz Allen Hamilton
Le fameux 10% qui lui-même fait partie du 20 à 30% de « Early Adopters » (créateurs et critiques) nécessaires à tout succès de communautés, en particulier les grandes communautés internes de premier niveau comme celle de BAH ci-dessus. Le succès des communautés repose beaucoup sur les épaules des gestionnaires de communautés qui doivent être en mesure de bien gérer l’échelle des technographies sociales, formant l’écosystème de leur entreprise ou organisation:
Et c’est par un portail personnalisé que les employés accèdent à ces communautés. Ces dernières comprennent principalement des outils de communication sociale tels que blogues, micro-blogues et réseaux professionnels, le pendant interne du réseau social. Elles comprennent aussi outils de partage de photo et de vidéos, des fonctions RSS et de messagerie instantanée, de «bookmarking», de «tagging» de votation populaire, de sondage et des idéagoras internes.
Deuxième niveau
À ce niveau, les communautés se spécialisent et deviennent des communautés de pratique, si chères aux spécialistes des ressources humaines qui ne jurent que par la gestion du savoir. En effet, c’est à ce niveau que les communautés génèrent des contenus d’expertise ou de mémoire d’entreprise™ à partager entre employés d’une même spécialité en vue d’un transfert générationnel. Comme pour les premières, ces communautés de pratique sont animées par des super-utilisateurs, toujours sous la coordination d’un gestionnaire de communautés.
Les trois niveaux de communauté de pratique chez Wachovia
Blogues d’expertise et surtout wikis de projet et encyclopédiques y foisonnent ainsi que le partage de vidéos et photos mais aussi une ou des idéagoras en extranet pour établir un lien avec les retraités afin de récupérer leur expertise et établir des liens de mentorat avec les plus jeunes en entreprise. Cela, IBM l’a bien compris avec cet extranet:
Au deuxième niveau, la personnalisation commence à jouer un rôle plus actif car les divers outils ne sont pas nécessairement disponibles à tous les employés de l’entreprise. Ils le seront en fonction de leur profil professionnel, de leur expertise ou de leur intérêts particuliers. C’est aussi là que se créent des réseau basés sur le partage d’expertise et le transfert du savoir. Plusieurs de ces communautés vivent et prospèrent dans un tel environnement mais ont besoin de temps et de reconnaissance de la part de la gestion. Et comme le disent plusieurs des animateurs de ces communautés, il faut être raisonnables dans les objectifs de départ et ne pas prendre « les bouchées trop grosses ».
Troisième niveau
Ce niveau est par essence, beaucoup plus «granulaire», met en scène des communautés de projets et offre des outils de collaboration opérationnels. Ce sont en particulier des wikis ou blogues de projet et dans bien des cas, ces derniers sont munis de système de sécurité et de confidentialité plus ou moins élaborés et seulement les membres des équipes y sont autorisés, toujours en fonction de leur profil professionnel, tel que défini par l’outil de portail intranet, des outils tels que SharePoint, WebSphere, ou SAP Enterprise Portal mais d’autres aussi comme Google…
Ces communautés, comme pour les précédentes, sont aussi régies par des codes d’éthique ou «règles d’engagement». Ces dernières sont soit établies par consensus avec les utilisateurs, ce qui est souhaitable mais dans certains cas, de façon unilatérale par la direction…
Le wiki de service de la US Navy à accès privé et nommé Anchorpedia.
Dans des environnements sécurisés, ces communautés fermées ne se parlent pas du tout entre elles ou ne parlent pas au reste de l’entreprise, perpétuant les silos pour des raisons de confidentialité et de sécurité. Mais ces raisons et ces niveaux varient d’une entreprise à l’autre et idéalement, elles devraient décloisonner les employés confinés à ces silos mais ce n’est pas demain la veille et pour le moment il faut faire avec.
C’est ce qu’a fait la très secrète CIA… Étrange de parler de Google dans un environnement sécurisé mais je prends l’exemple des communautés collaboratives mises en place à Langley. J’en ai déjà parlé dans un billet à la suite de la présentation qu’avaient fait Sean Dennehy et Don Burke à la conférence Enterprise 2.0 de Boston en 2008. C’est grâce à l’aide et aux technologies de Google que la CIA s’est dotée d’Intellipedia.
Intellipedia est un ensemble d’initiatives 2.0 :
- Intellipedia une encyclopédie d’aggrégation
- Intelink blogs pour la communication
- Tag|Connect (similaire à del.icio.us ) pour le classement
- Inteldocs (un SGD pour le partage de docs à l’ensemble de la communauté)
- Gallery (similaire à Flickr pour le partage de photos)
- iVideo (similaire à YouTube pour le partage de vidéos )
- Intelink Instant Messaging (IIM)
- Really Simple Syndication (RSS)
D’autre part, l’environnement collaboratif mis en place n’est pas le vaste agora communautaire que l’on imagine mais plusieurs environnements avec trois niveaux de sécurité adaptés qui correspondent aux trois niveaux que j’ai identifiés plus haut :
- Sensitive But Unclassified (SBU) (Intelink)
- SECRET (SIPRNet) -U)
- TOP SECRET (JWICS)
En arriver à implanter cet environnement horizontal dans une structure si hiérarchique et secrète relève du tour de force. Burke et Dennehy l’avouent : «Le projet en est encore à la phase initiale des «early adopters» qui ne sont pas tous des jeunes… La preuve est que le plus actif a la soixantaine avancée». En fait, Intellipedia comprendrait, dans sa partie Wiki, quelque 35 000 articles (200 000 pages) …
Dans d’autres organisations, la complexité du travail empêche les responsables de bien documenter leur communauté. Ils manquent de temps pour faire le travail de documentation nécessaire à la création d’expertise. Ils ont ainsi tendance à prendre de trop grosses bouchées en partant… Par contre, ils peuvent trouver une façon de faire du transfert et du partage qui marche vraiment bien soit faire du pratique avec des sessions d’aide et travailler sur des cas pratiques et échanger des solutions. Ils peuvent aussi faire du transfert : Organiser des midis-causerie où on invite des spécialistes de l’externe.Et attention à l’enregistrement vidéo pour capturer ce transfert d’expertise…
Pareil modus operandi permet d’atteindre des niveaux surprenants de participation pouvant dépasser les 80% Et il ne faut pas oublier le réel… Les communautés peuvent se rencontrer « dans le réel » plusieurs fois par année pour discuter de l’avenir ou tout simplement pour réseauter. Cela n’est pas leur seul fait. En effet, toutes les communautés virtuelles ont ce besoin. L’exemple qui me vient à l’idée est celui du Yulbiz. S’agit-il là d’un quatrième niveau de personnalisation ?
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