J’ai débuté, dans le billet précédent, l’analyse des résultats de l’Observatoire de l’intranet version 2013. Nous en sommes donc à l’étude des réseaux socioprofessionnels d’entreprise ou RSE. Hier, je mentionnais que ces derniers éprouvent plus de difficultés que prévu à percer la couche technologique et sécuritaire de l’entreprise. J’ai écrit ce qui suit: «L’an dernier, soit en 2012, une majorité d’entreprises était disposée à tenter l’expérience du réseau socioprofessionnel. En fait 86 % se disaient favorables alors que 14% avait déjà passé à l’acte. Un an plus tard, seulement 2 % de plus se sont exécutés et ce qui se dégage aussi c’est qu’on semble y aller par morceaux».
4- Les RSE
On implante des fonctionnalités sociales mais pas l’ensemble qui forme le réseau. Cet ensemble, selon les termes de l’étude «peine à se déployer». Ou encore comme dans le tableau ci-dessous on parle de frémissement…
Mais les auteurs s’empressent d’ajouter : «Après un temps d’engouement et de communication exacerbée autour des réseaux sociaux d’entreprise, la réalité confirme bien que le déploiement de ces outils se fait de manière progressive et concertée. C’est la seule garantie du succès de leur déploiement». D’accord pour déployer en tenant compte de la réalité technologique et surtout organisationnelle car encore faut-il que les employés soient prêts à un tel changement mais encore plus qu’ils le réclâment. Donc oui, progressive, avec projets-pilotes et concertée, soit en accord avec tous et surtout en trouvant les bonnes personnes pour animer et gérer les communautés qui vont émerger d’un RSE et surtout, comme je l’écrivais dans le billet précédent, ne pas sur-contrôler les interactions et conversations.
J’ai déjà aussi écrit que le meilleur moyen de faire adopter un projet de refonte intranet social était de le «saucissonner» en petites tranches, priorité par priorité. C’est vrai pour un vaste projet stratégique d’intranet social où des budgets importants sont en cause mais moins pour le RSE où on peut difficilement saucissonner les fonctionnalités. À mon avis il faut un ensemble de fonctionnalités de base pour assurer le succès le l’implantation du réseau, dont le profil personnel, la mise en relation, le mur d’interaction, les communautés et événements. Il faut donner les outils aux gestionnaires de communautés et aux super-utilisateurs de faire leur boulot. Et à scruter les deux tableaux ci-dessous, on est loin du compte :
À la première question on demande si l’intranet met à la disposition un RSE et des fonctions sociales. Dommage car nous n’avons pas de réponse à la première question par un oui ou un non et les fonctions identifiées n’ont rien de bien social. Le SSO (ou single sign on) permet à l’employé de se brancher une seule fois à son portail intranet et toutes les applications qu’il contient. Les sondages en ligne existent depuis la nuit des temps intranet ainsi que les alertes courriel.. Vient ensuite le e-voting, ce qui est correct dans un RSE mais j’aurais aimé qu’on me précise l’autre point sur l’animation et le gestion de communautés. Lesquelles? Comment fait-on ce tour de force sans les outils listés plus bas et qui sont identifiés comme étant ceux qu’on implantera dans la prochaine année ?
Si on remonte au premier tableau, on constate que seulement 6% des répondants indiquent avoir une pratique étendue des outils 2.0, donc de l’intranet social. La vérité est là. Les entreprises ont de bonnes intentions, avancent à pas de tortue comme dans un terrain miné, un peu hors de leur compréhension et sont donc loin d’une implantation concertée et d’une utilisation étendue et efficace. Les RSE peinent à percer et la grande peur manégériale du Facebook hors contrôle est encore très présente. Un autre problème, que je rencontre dans plusieurs cas, c’est la propension à vouloir isoler le RSE de l’intranet, de vouloir en faire deux mondes parallèles à l’intérieur de l’entreprise.
Erreur à mon avis et partagé par les auteurs qui notent fort à propos :«Les outils de RSE s’intègrent de plus en plus dans l’intranet mettant fin à une forme de schizophrénie de certaines organisations où plusieurs mondes cohabitaient les uns à côté des autres». Appelez-le comme vous voulez mais l’intranet 2.0, collaboratif ou social est encore et toujours un tout, un vaste écosystème d’entreprise qui fédère informations, collaboration, gestion du savoir et des expertises, formation en ligne, accès aux bases de données ainsi que l’accès personnalisé à un magasin d’applications corporatives.
Autre problème qui va nous amener au point suivant de la gouvernance est celui des gestionnaires de communautés. Leur rôle est assez bien défini et bien campé dans les stratégies médias sociaux à l’externe mais ce n’est pas aussi limpide à l’interne… En tenant compte des tableaux ci-haut, comment peut-on prétendre gérer en interne un groupe de plusieurs dizaines et même centaines de gestionnaires de communautés (tableau ci-dessous) sans avoir mis en place les outils nécessaires ?
Je crois qu’il y a ici confusion des genres… En France le terme «Community Manager» est devenu un mot fourre-tout. Disparus les webmestres et les édimestres ? Seraient-ils fondus dans le grand tout comme les responsables de communautés de pratique ou d’intérêt ainsi que les curateurs de contenus ? Les communautés dont on parle sont probablement des sites intranet d’unités ou de services. Les vraies communautés, on l’a vu plus haut, sont encore en devenir dans 94% des entreprises.
Le grand défi est de convaincre les entreprises et surtout les décideurs de leur utilité et du RSI qu’elle peuvent générer. En fait, il y a plus que ce défi et j’aime bien comment Anthony Poncier les a définis à la page 118 de son guide pratique intitulé :«Les réseaux sociaux d’entreprise». Il en dénombre cinq soit le défi managérial dont on vient de traiter mais aussi les défis organisationnel, communautaire, personnel et technique.
5- La gouvernance
On l’a vu pour la collaboration comme pour les RSE. La hiérarchie organisationnelle a besoin de se faire rassurer avant de donner son aval à la mise en place de tels outils à fort potentiel de laminage de leurs fiefs et prérogatives. On vient donc les rassurer avec un mot magique : la gouvernance. Et cette dernière se décline sur plusieurs niveaux. Tout d’abord à haut niveau soit au niveau de la stratégie numérique de l’entreprise : cette stratégie est habituellement portée à presque 50/50 pat les Comm et les Ti. Pourtant, ces derniers devraient avoir un champion, le porteur de ballon par excellence: le PDG. Pourtant c’est ce qui arrive dans 23% des cas seulement…
Par la suite, se pose la question de la propriété des dispositifs et outils numériques à même de réaliser la stratégie. Là j’ai eu une surprisse de taille. On a toujours prétendu que l’intranet était propriété ou responsabilité des Com à 70%. Le tableau ci-dessous indique le contraire : 53% pour les Ti et 30% pour les communications. Dommage que l’on ait pas posé la question sur la responsabilité partagée, la structure de gouvernance impliquant de multiples unités hiérarchiques allant jusqu’au PDG. Pour l’intranet lui-même, la gouvernance ça veut dire le graphique ci-dessous qui est très partiel car il ne couvre que la gestion du cycle de vie du document.
Historiquement on contrôlait les procédures de contribution en passant par le webmestre ou en mettant en place un CMS. Et surtout, on créait et imposait une charte éditoriale et graphique. Actuellement, dans les intranets, on voit monter des préoccupations de gouvernance sur l’archivage (la GED) et les procédures de suppression. Ce dernier point est à la fois fascinant et dangereux. On parle à mots cachés de censure interne afin de prévenir les écarts qu’on craint du côté de la collaboration et de la participation. C’est pour cette raison qu’on est en train de mettre en place deux autres couches supplémentaires de gouvernance ou si vous préférez de contrôle. Tout d’abord, celle de la collaboration:
La création collaborative non régulée, donc libre ne compte que pour 13% des cas. Et ce sont surtout les communautés de pratique qui génèrent ce besoin de contrôle. Qui a le droit de dire quoi et à qui. Cette décision est prise habituellement par la gestion et dans certains cas par un comité de gouvernance. Dans un cas de wiki de communauté de pratique j’ai déjà vu un cadre de référence atteindre les 40 pages ! Et après cela, on se surprend des insuccès des dites communautés, en particulier les wikis.
Imaginez donc ce qui se passe ou se passera dans le cas des RSE. Dans bien des entreprises aux USA, la gouvernance des RSE se limite a établir qui est responsable de quoi (unités, gestionnaires de communautés, super-utilisateurs) et de définir les règles d’engagement qui habituellement tiennent sur une page. Donc si on regarde le tableau ci-dessous, on comprendra que le contrôle des entreprises consultées sera beaucoup plus étendu et pèsera sur la participation…
6- Le socle technologique
Et les outils alors me direz-vous. Bien beau la gouvernance mais qu’en est-il des choix faits par les entreprises au cours des deux dernières années ?
On voit bien que Share Point domine encore largement le marché des intranets mais on note par rapport à l’an dernier une nette progression de l’Open Source et la régression des solutions dites spécifiques, développées en interne. Mais n’y a-t-il pas une chose qui vous saute aux yeux avec ces deux graphiques ? Le ressemblance frappante avec la Longue Traîne. En effet, la somme des petites solutions est supérieure à la part de marché du géant Microsoft. Et dire que ce dernier dominait le marché à plus de 80% à certains endroits. À entre 30 et 35%, Microsoft est loin de ce chiffre mais faut dire que ces derniers réflètent une réalité très européenne.
J’ai bien hâte de pouvoir comparer avec l’étude que fait annuellement Jane McConnell, intitulée Digital Workplace Trends mais aussi celle que fait actuellement le Cefrio au niveau canadien. En attendant, je termine avec un tableau semblable pour les RSE. Le socle technologique est assez comparable :
Juste un dernier commentaire: surpris de voir que Yammer dépasse les solutions collaboratives d’IBM. Mais encore là, faut relativiser en fonction du contexte très européen de l’étude.
Prochain billet sur : l’évolution, les facteurs clés et les freins, et finalement la synthèse.
1 commentaire
[…] https://emergenceweb.com/blog/2013/05/observatoire-de-lintranet-2013-gouvernance-et-community-manager… […]