À chaque fin de printemps depuis maintenant trois ans, je publie les résultats de la vaste enquête internationale sur les intranets réalisée par la firme Arctus. Cette étude s’intitule «l’Observatoire de l’intranet et de la stratégie numérique». L’étude date de bien plus longtemps. Elle est née en 1999 de la volonté du président de ClubNet France, Michel Germain et d’une volonté commune avec l’API (Association des professionnels en intranet) que je présidais alors, d’obtenir des chiffres crédibles sur l’état des intranets dans nos deux pays. Ce fut l’idée de base qui a mené à la publication en 2004 du collectif «L’intranet dans tous ses états», mais il y avait d’autres besoins…
En fait, voici comment Michel les présentait dans l’étude, cuvée 2003:
Eh oui, j’étais encore à Hydro-Québec à l’époque à titre de coordonnateur intranet. Et 10 ans plus tard, la firme Arctus, dont il est l’un des directeurs associés, a continué le travail en particulier sous la direction d‘Isabelle Reyre. Et ainsi, depuis ce temps, nous collaborons, d’une part à la promotion de cette vaste étude à travers la francophonie dont, bien sûr le Québec, mais aussi à la publication de ses résultats. Nous en sommes donc à 2013… Je me propose donc de publier une série de trois billets pour mettre en lumière les résultats mais aussi faire des comparaisons avec l’an dernier mais aussi, surprise, sortir des boules à mites, les résultats d’il y a 10 ans et d’essayer de voir le chemin parcouru.
Et comme pour un livre, voici le sommaire que je vous propose :
- La méthodologie
- Les tendances
- La collaboration
- Les RSE
- La gouvernance
- Le socle technologique
- L’évolution
- Les facteurs clés et les freins
- La synthèse
1- La méthodologie
Comme le démontre la tableau ci-dessous, plus des trois quarts des répondants sont des entreprises et des organisations françaises. Le Québec (Canada en rouge) vient tout de même en second avec 4,2 % des répondants. Dans le diagramme à droite on remarque que près de 60% des répondants sont des «nationaux». Donc tout de même plus de 40% de répondants de multi-nationales.
L’enquête s’est déroulée sur Internet du 21 janvier au 12 avril 2013. 428 réponses valides ont été traitées L’échantillon de l’édition 2013 correspond à un équivalent d’employés représentés de près de 7 millions et tous les secteurs sont représentés. Les entreprises comptent pour 68% du total, 18% du secteur industriel et 50% du secteur des services ! Le secteur public a répondu à 18% et le para-public à 15%. Et en passant, on note une augmentation de plus de 2% des répondants hors France. Lentement mais sûrement.
Bon… Assez parlé méthodologie. Passons aux grandes tendances qui se dégagent de l’Observatoire de cette année avant de décortiquer les résultats. Dans leur présentation de ces dernières, les auteurs parlent de l’âge de raison. Ils avancent que les intranets maintenant collaboratifs, participatifs et mobiles auraient atteint une certaine maturité. À mon avis rien de moins sûr…
2- Les grandes tendances
Je vous ai préparé un tableau comparatif des tendances 2012-2013. Je ne sais pas pour vous mais pour moi, ce qui frappe immédiatement c’est le sur-place que semblent faire les réseaux socioprofessionnels en entreprise ou RSE.
L’an dernier, soit en 2012, une majorité d’entreprises était disposée à tenter l’expérience du réseau social. En fait 86 % se disaient favorables alors que 14% avait déjà passé à l’acte. Un an plus, seulement 2 % de plus se sont exécutés et ce qui se dégage aussi c’est qu’on semble y aller par morceaux. On implante des fonctionnalités sociales mais pas l’ensemble qui forme le réseau. Cet ensemble, selon les termes de l’étude «peine à se déployer». Mais les auteurs s’empressent d’ajouter : «Après un temps d’engouement et de communication exacerbée autour des réseaux sociaux d’entreprise, la réalité confirme bien que le déploiement de ces outils se fait de manière progressive et concertée. C’est la seule garantie du succès de leur déploiement». On verra plus loin…
Autre tendance remarquée mais qui n’a pas été assez relevée dans l’analyse des résultats c’est le fait que 80 % des entreprise affirment que leur intranet sera accessible à distance d’ici un an ! En fait, on ne parle pas d’accès via des appareils mobiles mais d’accès à distance ce qui veut aussi dire des postes fixes à la maison par exemple. Pour ce qui est de la mobilité proprement dite, on indique une multiplication par deux de la consultation sur tablette tactile et téléphones intelligents d’ici un an. Bonne chose car n’oubliez pas ce qu’affirmait Gartner en 2011 pour cette année et l’an prochain :
Cette année, 80% des entreprises américaines vont supporter les employés qui utilisent des tablettes et l’an prochain ce sera 90% d’entre elle qui vont supporter les applications corporatives déployées sur des appareils personnels mobiles…
L’Observatoire relève trois autres tendances qui sont aussi les mêmes que l’an dernier soit la collaboration qui semble progresser, la gouvernance qui semble s’affiner mais aussi se renforcer. C’est un paradoxe que nous verrons dans le second billet. Finalement on identifie la tendance à l’établissement de stratégies numériques. Je n’ai guère touché à ce sujet dans mon analyse de l’an dernier mais je vais m’y attarder longuement cette fois-ci car ce point est crucial car il englobe le reste. La survie et l’évolution des intranets passe par l’établissement d’une stratégie numérique d’entreprise compréhensible, basée sur les besoins d’affaires mais aussi sur les besoins des utilisateurs et surtout réaliste quant aux outils, aux ressources et aux budgets requis.
C’est un autre point où je vais diverger des constats faits dans l’étude qui, à mon avis, portent sur des éléments des autres tendances dont la gouvernance. La stratégie numérique relève selon moi beaucoup plus de ce qui est identifié comme étant les éléments synthèse de l’étude soit des deux derniers graphiques (futur billet). Cette stratégie englobe aussi l’intégration des trois formes communes de nets, soit l’Internet, l’intranet et les extranets, comme je l’ai mentionné dans ce billet qui faisait aussi référence à un autre de nos collectifs intitulé «L’intégration des 3 Nets».
3- La Collaboration
Bon gré mal gré, c’est la tendance la plus constante de l’écosystème intranet d’entreprise. Elle est tendance depuis le milieu des année 2000. Elle revient partout, on en parle à toutes les sauces, elle est associée à d’autres courants et d’autres tendances, bref elle est partout mais livre-t-elle la marchandise ? Selon les auteurs, il semble que oui. Voici ce qu’ils affirment d’entrée de jeu : «Les avancées principales sont à noter dans le déploiement des outils collaboratifs. Qu’il s’agisse des espaces collaboratifs, dont l’implémentation est désormais très organisée, ou de la gouvernance qui s’installe avec les fonctions de community management, on constate une approche plus rationnelle autour des outils numériques. Comme si l’entreprise sur ces sujets avait atteint l’âge de raison.»
Mais quels sont les chiffres pour appuyer une telle affirmation ?
Il me semble que ces dernier viennent plutôt contredire. Oui, il y a progression mais dans des outils plutôt traditionnels et j’aimerais qu’on m’explique quelles sont ces applications métiers collaboratives en si forte croissance. Par contre, regardez les promesses non respectées et c’est là que se retrouvent les plates-formes au coeur de la collaboration 2.0. Et regardez le tableau suivant. Quand vient le temps de créer des espaces de collaboration, ces derniers sont soumis à des processus de contrôle très stricts.
Et tous ceux qui travaillent en stratégie d’entreprise sociale le savent : plus on met de critères, de contrôles et d’approbations préalables, plus on tue la collaboration, la créativité et l’innovation. Ainsi, en voulant «bien faire les choses» on fait le contraire, on coupe les ailes aux employés engagés et créatifs et on enlève ainsi toute chance au projet collaboratif de réussir… Combien de blogues et de wikis en entreprise ont planté du nez parce sur-encadrés de règles et de procédures ou gérés par des professionnels de la communication qui censurent les commentaires et tuent les conversations de peur que… C’est pour cette raison qu’il est si lent et difficile de déployer de tels outils. Regardez le tableau ci-dessous qui montre la progression sur trois ans :
Oui, il y a progression à la quatrième colonne mais de 2% seulement, un peu comme les RSE mais n’oubliez pas que les outils de collaboration comme les blogues et les wikis sont là depuis presque dix ans Donc 19% de progression en dix ans ??? Il n’y a pas de quoi pavoiser. Mais lueur d’espoir. À la question sur les outils de collaboration qui seront disponibles l’an prochain voici le Top dix :
Vous vous souvenez du tableau des promesses non-tenues ? En conclusion à ce début d’analyse de l’Observatoire 2013, je tire une première conclusion assez sombre : au lieu de parler d’âge de raison, parlons d’âge du colimaçon. Ces petites limaces qui avancent mais si lentement…
Prochain billet : les RSE, la gouvernance et le socle technologique.
2 Commentaires
La conclusion est savoureuse – L’âge du colimaçon … Lol Mais le vrai défi, a ce qu’il me semble, c’est d’expliquer les avantages aux décideurs qui ont du mal à mesurer le ROI.
[…] haut. Claude Malaison nous en livre d’ailleurs une analyse détaillée en trois parties : Observatoire de l’intranet 2013: peut-on vraiment parler d’âge de raison ?, Gouvernance et Community Managers, confusion des genres ? et Dix ans plus tard, Pareto fait […]