Mon billet sur la fin de la collaboration et de l’Utopie 2.0 a fait réagir… Entre autres Martin Lessard qui m’a fait plusieurs commentaires dont celui-ci qui se termine par une question :«Dur mais lucide constat. Le titre provocateur me laisse sur ma faim. Les détourneurs d’utopie divisent pour régner. Soit. Où se trouvent nos points de convergence pour répliquer et réintroduire de l’espoir dans le réseau?»
Bonne question en effet. La réponse se trouve peut-être dans mon texte : «Finie la douce utopie du Cluetrain Manifesto et ensuite du Web 2.0 issu des fumées blanches d’un FooCamp chez Tim O’Reilly.». En fait, pourquoi justement, ne pas retourner à la source ? Et la source nous interpelle de cette façon :
Nous ne sommes pas des sièges ou des yeux ou des utilisateurs finaux ou des consommateurs.
Nous sommes des êtres humains et vous n’avez pas les moyens de nos ambitions.
Dans le texte original du Manifeste, publié en 1999 par Rick Levine, Christopher Locke, Doc Searls, et David Weinberger, outre cette interpellation, s’il y a une phrase qui résume bien le point central de convergence, c’est:
«A powerful global conversation has begun. Through the Internet, people are discovering and inventing new ways to share relevant knowledge with blinding speed. As a direct result, markets are getting smarter—and getting smarter faster than most companies.»
Et pour résister aux tentatives des gouvernements, du complexe militaire, financier et aux fournisseurs de services de fermer cette fenêtre d’accélération de la connaissance, ouverte sur le monde et sur les autres, il va de soi que les points de convergence soient redécouverts à travers tout le bruit que font maintenant les évangélico-technologues qui essaient de nous brancher, nous hyper-connecter à tout et nous faisant miroiter que nous serons plus intelligents en cyborgs. Qu’il y aura même des entités intelligentes artificielles (AI): la maison, l’auto, la ville, les robots, etc…
Des points de convergence, il y en a avait 95 adressés dans le Cluetrain Manifesto surtout adressés aux entreprises par l’humain vu comme consommateur. Pour briser la volonté de tous ceux et celles qui essaient de nous faire taire au nom de la protection des données, relisez ces énoncés avec en tête les trois C: contenus, collaboration, conversation.
Bref, il existe des points de convergence pour agir, pour réintégrer l’humain, la collaboration, le partage du savoir et des CONTENUS dans les processus innovants d’un monde fait d’objets mobiles, connectés et surveillants, dans un monde hypersécurisé et qui se dit «intelligent». D’un monde qui ne compte plus un seul Internet mais plusieurs. J’ai souvent parlé d’Internet 2 qui est venu prendre la place du premier devenu trop commercial. Le 2 servant aux militaires et universitaires comme à la naissance du premier. Puis sont arrivés les autres, les secrets et les privés.
Comme l’a écrit Martin, l’internet est bien mort au profit d’une foule d’autres Internets ou Webs tous plus spécialisés les uns que les autres. J’avais d’ailleurs publié ce graphique quoique imparfait en 2007:
Mais je persiste et signe. Le point de convergence demeure, même dans ce graphique, l’humain et ses usages…
Autre réaction, cette fois de la part d’un autre «vieux de la vieille», soit Yves Williams qui tient à relativiser sur le récent billet. Je publie son commentaire intégral mais en souligne deux passages (en gras) mis à part le sous-titre:
Pourquoi tout ce pessimisme?
«Je trouve tout au contraire que l’esprit critique recommence à se trouver une place. On voit peut-être même se profiler une réédition (numérique) du « Roi nu », où il sera enfin possible d’être à la fois critique, tout en travaillant à notre passage collectif dans un virage numérique.
Il n’y a que les techno-évangélistes pour nous laisser croire que la technologie nous conduit « en soi » vers un monde plus collaborateur, plus égalitaire, plus libre, plus « mettre-ce-que-vous-voulez ». La technologie peut être porteur de toutes ces qualités … mais pourvu que les acteurs sociaux se mobilisent dans ce sens. Pour le reste, ce n’est qu’arguments de vendeur.
On ne penserait pas la démocratie sans la venue de l’imprimerie qui fut une de ces grandes avancées disruptives. Mais les monarchies et les dictatures s’en sont bien accommodé et l’ont bien utilisée à leur profit. Ce ne sont pas les technologies qui font l’histoire, mais les acteurs sociaux.
Le numérique permet un nouveau rapport aux individus et aux objets? Tous les modèles seront revus (affaires, enseignement, communication, économique, politique, etc.)? Si les nouvelles technologies portent « des » potentiels de changement, elles ne les feront jamais à notre place. C’est à nous, les acteurs sociaux, d’écrire notre histoire. Si la technologie portait déjà en elle les nouveaux modèles sociaux, jamais les industries n’auraient été malmenées comme elles le sont depuis 15 ans. Nous n’aurions eu qu’à lire le mode d’emploi.
Espérons donc que le règne sans opposition des techno-évangélistes s’achève et que la pensée critique retrouve une voie.
Et c’est là que les lanceurs d’alertes jouent un rôle essentiel pour nous indiquer où vont les errances des pouvoirs. Il n’est sans doute pas loin le temps où de nouveaux contre-pouvoirs deviendront des outils incontournables dans nos institutions publiques pour endiguer les dérives sécuritaires, le déséquilibre information du « big data » et l’omnipotence des algorithmes.
Il n’y a pas un jour où je n’entends pas une nouvelle voix critique qui se lève… et je n’y vois que du bien dans ce scénario. J’aurais sans doute quelques billets à écrire sur ces sujets… si j’en avais le temps. Sinon, je participerai à vos discussions.»
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