Le 23 novembre prochain, je serai conférencier invité avec Nathalie Pilon du Groupe Canam, lors d’une soirée-atelier organisée par la SQPRP. Pour elle, il s’agit de faire le point sur le projet intranet qui lui a permis de remporter, l’an dernier le prix platine dans le cadre du Gala des Prix d’Excellence de la SQPRP pour le projet « Facebook, la communauté Canam ». Pour moi, il sera question d’échanger sur les bonnes pratiques en matière d’utilisation des réseaux sociaux en entreprise découlant de cette expérience ainsi que des prochaines étapes à franchir. Je vous donne un scoop: je parlerai de kleenex et de saucissons…
En voulant faire progresser leur vieil intranet, y intégrer de meilleures possibilités de collaboration, beaucoup de responsables de projets intranet, qu’ils soient aux RH ou aux Communications, se heurtent tôt ou tard à la logique de fonctionnement de leur service ou département des systèmes d’information, communément appelés les Ti, Dans ces officines règnent en maîtres la sécurité, l’architecture d’entreprise, ou les choix technologiques propriétaires. Mais ils peuvent aussi se heurter à la logique de l’économie défaillante, de budgets se comptant en millions de $ pour un plan 2.0 complet et devant passer par les systèmes propriétaires existants donc, des délais, des reports et parfois de la glace… Une mise sur la glace de tout le projet .
Et pourtant, ils ont tout fait pour qu’à leur avis, le projet soit accepté. Ils se sont engagés dans de longs processus d’analyse stratégique, de cas d’affaires, de cahiers de charge et d’appels d’offres et ce, malgré un retour sur investissement (RSI ou ROI), difficile à transposer sur papier.D’autres abandonnent tout simplement devant la complexité apparente de la gestion d’un tel projet. Enfin quelques-uns s’affranchissent de ce carcan et développent des solutions «sous le radar» et sont condamnés à prouver qu’ils ont raison avec peu de moyens et peu d’aide, même de leur propre ligne hiérarchique.
Quelques questions…
Vous êtes dans cette situation ? Vous avez développé une stratégie globale sur plusieurs années pour le développement d’un nouvel intranet intégrant les technologiques du Web 2.0. Vous deviendrez ainsi, pensez-vous, une véritable entreprise 2.0, souple agile, plus communautaire et plus collaborative. Vous avez aussi une une idée précise de ce que vous voulez développer comme service ou application intranet s’appuyant sur le Web 2.0 mais votre enthousiasme vient d’être refroidi, comme je viens de le démontrer, par la lourdeur des processus internes et surtout de la bureaucratie. Il est temps d’aborder votre projet sous un nouvel angle avec au préalable, quelques questions:
- Les changements proposés reposent-ils sur des technologies reconnues et facilement intégrables dans l’environnement de l’entreprise ?
- Les employés de l’entreprise réclament-ils des changements à votre intranet depuis des mois ?
- Quelle unité ou service est prête à payer pour se faire développer de nouveaux services ?
- Quel délais de réalisation impliquent les processus internes et quelles sont leurs exigences quant à la précision du cahier des charges ?
- Avez-vous bien évalué la formation et la gestion du changement nécessaires ?
- Avez-vous le support d’un champion à la haute direction en mesure de faire pencher la balance en votre faveur ?
- Le contexte économique et politique de l’entreprise est-il favorable au changement et à l’innovation ?
Si ces premières questions soulèvent des doutes importants vous devriez envisager une solution alternative dont l’objectif est de développer et intégrer dans des délais et des coûts réduits un projet-pilote opérationnel, ce que les amis Lillois appelleraient un projet bac à sable, ce que Vincent Berthelot nomme le projet-kleenex et que je nomme projet-saucisson.
Pourquoi la métaphore du saucisson ??? Pensez-y deux minutes… Face aux résistances des Ti et les managers/gestionnaires, en particulier sur les technologies, échéances et les coûts, rien de mieux que de présenter le projet global d’intranet 2.0 par petites tranches en privilégiant les cibles payantes en termes de productivité, d’utilisabilité et de visibilité. On ne mange jamais un éléphant en un seul morceau…
La pertinence de l’approche kleenex/saucisson :
Cette approche permet de démarrer un petit projet sans attendre d’avoir réuni tous les éléments indispensables au grand projet d’entreprise 2.0. Vous privilégiez la rapidité du passage de l’idée à sa réalisation pour mobiliser l’équipe projet comme les utilisateurs. Dans la même logique que la création d’un site intranet vous fonctionnez sur le mode de l’itération et pouvez prendre en compte les insuffisances notables de la solution développée et les demandes des utilisateurs pour une version plus stable. Le temps de développement et de test de l’application permettra à votre projet de mûrir et de se clarifier tout en avançant.
À l’issue d’un projet-pilote, plusieurs opportunités s’ouvrent alors en tirant les enseignements de l’expérience vécue. Au pire on pourra abandonner la solution et en trouver une plus appropriée. Au mieux, les itérations et l’implication en cours de route des utilisateurs auront permis d’en faire un succès, de pérenniser les développements réalisés et ensuite de les mettre en valeur dans l’entreprise et auprès de la direction, ouvrant ainsi les portes et les goussets pour les projets suivants, ce qui a exactement été le cas pour le groupe Canam avec son projet de communauté Facebook.
L’investissement dans les deux éventualités demeure rentable… Ce fonctionnement itératif qui demande une collaboration intensive entre les différents acteurs n’est souvent possible qu’avec l’apport d’un consultant externe à même de crédibiliser la démarche auprès de la direction, d’arrondir les angles entre les divers services impliqués (et ainsi de tester le principe de la gouvernance) dans le projet mais aussi de conseiller les bons outils à mettre en place compte tenu des besoins des utilisateurs.
Actuellement, au Québec, la grande majorité des entreprises n’a ni les ressources, ni les budgets pour se lancer dans l’intégration massive des technologies du Web 2.0 afin de générer collaboration, partage d’expertises, innovation et création de mémoire… Les enveloppes budgétaires sont encore moins importantes qu’en France ou aux USA. Dommage car nous prenons constamment du retard et ce dernier viendra un jour nous hanter dans notre compétitivité internationale.
De là l’importance de saucissonner les projets en tranches ne dépassant pas les quatre ou cinq chiffres, ce qu’a aussi fait groupe Canam. Le projet-pilote a connu non seulement un succès retentissant auprès des cadres (la population la plus résistante aux changements) dans un contexte précis et limité dans le temps mais aussi un succès d’adoption à long terme des usages développés dans cet environnement. Ce qui fait que les responsables de la stratégie Web sont pu ensuite revenir à la charge, représenter un projet entreprise 2.0 lui-même saucissonné et amaigri, question de répondre aux contraintes financières de l’entreprise, surtout dans un contexte économique incertain et ainsi débloquer les approbations et surtout l’argent nécessaire..
Les risques d’une telle démarche
Ils sont liés à un manque de communication et de collaboration avec les Ti. Ce n’est pas nouveau… En fait le problème est vieux comme… l’intranet : «À qui appartient ce dernier ?». Aux usagers que je répondrais. En rajoutant que dans tout projet, surtout de mise en place ou de refonte intranet 2.0, l’équipe à constituer doit être complémentaire, travailler de concert et surtout que les Ti viennent en appui à la stratégie. Bien des luttes de pouvoir se sont déroulées et se déroulent encore sur ce «À qui ?». Par souci de protéger des chasses-gardées, les Ti peuvent vous positionner en franc-tireurs, voire en opposants et nuire ainsi à l’intégration du projet.
La multiplication de micro-projets sans liens et sans interfacages, l’adoption de solutions logicielles clés en main de firmes externes sont aussi des risques récurrents. De là, la nécessité d’une gouvernance de projet claire où, pour éviter ces écueils, il est capital d’associer dès le départ, à titre de soutien et d’experts un ou des responsables Ti. Ces derniers doivent faire preuve d’ouverture d’esprit, avoir une approche client, bien comprendre l’architecture interne et les arrimages à faire avec le Web 2.0. Sans cette connaissance de l’intégration des technologies du Web 2.0, le recours au consultant externe devient essentiel.
Conclusion
Adopter cette stratégie de projet « kleenex/bac à sable/saucisson » semble paradoxal pour faire des économies mais les expériences déjà menées tendent à prouver qu’il est souvent moins onéreux pour une entreprise, sur ce type de projet, de passer par cette phase plutôt que de lancer un vaste projet de refonte intranet et d’infrastructure (même si c’est payant dans d’autres secteurs de l’économie en temps de crise) avec risque de dérive budgétaire et temporelle.
Adopter cette stratégie a aussi pour grand avantage de gérer ces risques de dérive budgétaire et temporelle, de gommer les oppositions hiérarchiques, d’aplanir les différences idéologiques Comm/Ti et de permettre une gestion du changement modulaire, circonscrite et maitrisée et surtout, en bout de ligne, une adoption et une utilisabilité plus faciles. Les conditions gagnantes, quoi !