C’est le titre que j’ai donné à mon premier billet publié à titre de blogueur invité à la version québécoise du Huffington Post. Comme je le l’écrivais d’entrée de jeu, on a bien connu les «Digital Natives» et les «Digital Immigrants». Force est d’admettre qu’il faudra maintenant compter avec les «Digital Immatures», comme disent les USAiens. C’est d’ailleurs eux qui en viennent à cette conclusion et à ce terme dans une étude très sérieuse intitulée embracing-digital-technology (Pdf) et menée par la MIT Sloan Managemant Review et collaboration avec la compagnie Cap Gemini. Ils ont sondé les coeurs et les esprits de 1 559 dirigeants des plus grandes entreprises dans 106 pays à travers la planète, dont 37% aux USA et 5% au Canada. Et comment en arrivent-ils à cette affirmation ? Simple. Suffit de regarder le tableau qui suit.
Seulement 15% des dirigeants (en vert à gauche), de ceux qui sont supposés mener, être capables de décider, d’innover, de se battre pour assurer la compétitivité de leur entreprise ou de celle de leurs actionnaires, seulement 15% donc, se disent à l’aise et en contrôle de leur stratégie numérique. Les auteurs les appellent les Digirati ou Digerati dans le milieu: «These companies have executives that share a strong vision for what new technologies bring, invest in and manage digital technologies quickly and effectively and gain the most value from digital transformation».
Et dire qu’on parle des grandes entreprises multinationales. Leurs dirigeants n’ont aucune idée de ce qui se passe 1- dans leur propre entreprise, 2- chez leurs compétiteurs, 3- dans la société. Il y en 14 % qui en savent juste assez pour dire non à toute tentative d’adaptation ou d’évolution (conservatives). Dans le domaine de la science on les appellerait les négationnistes. Et il y a les autres… Les débutants. Pathétique de constater qu’ils sont la vaste majorité… 65% d’entre eux n’ont qu’une vague idée ou pas d’idée du tout de ce qui se passe dans leur entreprise, des initiatives souvent mises de l’avant par les employés eux-mêmes. Ces dirigeants dépendent encore et souvent de leur adjointe administrative (secrétaire) pour rédiger leurs courriels et se servent de leurs téléphones intelligents… Pour téléphoner ou suivre les cotes de la bourse. Vous riez ? Regardez bien autour de vous…
L’étude est claire est dévastatrice: l’immaturité numérique est un fléau global. Et pourtant, ces dirigeants se le font dire et pas seulement par le MIT ou Cap Gemini… 87% d’entre eux savent qu’il vont tôt ou tard frapper un mur et que pour l’éviter ils devront mettre en place une vraie stratégie numérique mais 64% d’entre eux admettent ne pas aller assez vite, qu’il n’y a pas de sentiment d’urgence !!! Voyez le tableau de droite ci-haut. C’est la première de toutes les causes de l’incurie numérique. Évidemment, l’argent insuffisant vient en second. Pas d’urgence = pas de fonds… Aussi dans les causes majeures, les rôles et responsabilités mal définis (imputable à la haute direction) et manque de vision (idem).
Et lisez bien ces deux phrases assassines. Les bras m’en sont tombés. On retrouve ces deux phrases ailleurs dans l’étude : «Where CEO’s have shared their vision for digital transformation, 93% of employees feel that it is the right thing for the organization. But, a mere 36% of CEO’s have shared that vision». Et c’est sans parler des bénéfices tangibles et intangibles de telles visions ou stratégies. Voyez les deux graphiques ci-dessous:
Les Digirati y gagnent sur tous les tableaux, que ce soit en création de revenus, en profitabilité, en valeur sur le marché, en meilleure expérience-client et améliorations opérationnelles et en changements du modèle d’affaires. Une cerise sur le sundae avec ça ? Et pourtant ils ne seraient que 15% a en profiter pleinement. Ho ! C’est la compétitivité et de le profitabilité de notre économie qui est en jeu ici…
On parle et écrit beaucoup sur le fossé générationnel. J’en parle souvent dans mes conférences. Il ne faut surtout pas sous-estimer ce facteur sociologique-clé. On parle abondamment de la facilité qu’ont les jeunes des génération Y et NG à intégrer les nouvelles technologies dans leur travail et d’en tirer le maximum d’efficacité mais qu’en est-il des autres ? Des X et des Baby Boomers. Certains s’adaptent et parfois avec une aisance surprenante. Ce ne semble pas être le cas chez nos dirigeants.
Ces six facteurs de résistance au changement leur sont attribuables selon l’étude du MIT et ne venez pas me dire que vous n’avez jamais entendu une de ces réflexions. C’est là que doit intervenir la gestion du changement. Mais malheureusement, la gestion se fait en amont en non en aval. Elle se fait une fois la décision prise de bouger numériquement. Ici, il faut plutôt travailler à changer les attitudes et comportements avant. Et là, on tombe dans le cercle vicieux… Pour agir avant, il faut que l’agent de changement interne ou externe ait le feu vert qui vient de la hiérarchie mais comme on le voit, si celle-ci est réfractaire, comment y arrivera-t-on ?
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