Ce gris et humide matin, je travaille à la sélection des textes de mon blogue qui serviront de matière brute à mon prochain livre sur l’entreprise 2.0. Je suis donc tombé sur un texte qui est toujours d’actualité, croyez-moi, pour en avoir fait encore l’expérience ces dernières semaines. Voici ce que j’écrivais l’automne dernier:
C’est un sujet très sensible dans les entreprises québécoises mais je ne crois pas que ce soit un phénomène unique et domestique. On en parle à mots couverts entre professionnels des communications ou des ressources humaines responsables de la gestion et du développement des intranets.
Quel est ce tabou dont on n’ose parler sur la place publique? Eh bien, je vous le donne en mille. C’est l’incompétence de plusieurs personnes qui travaillent dans les départements de Ti, l’obsession pour la sécurité de leurs gestionnaires et l’immobilisme général qu’ils imposent à l’entreprise.
Lors du OpenWorldConference 2009 d’Oracle qui a eu lieu à San Francisco, Ann Livermore VP chez HP a été très claire: 70% des budgets Ti vont aux opérations et à la maintenance des systèmes et seulement 30% à l’innovation. Ce qui a fait dire à certains participants que le chiffre de 30% était encore trop optimiste…
Et Livermore a poursuivi en mentionnant que le crédo de HP dans les prochaines années serait la MODERNISATION. Pas par le Web mais bien par la rénovation de ce qui existe déjà… La modernisation des applications et des infrastructures tout en offrant les services de virtualisation et de Cloud Computing. Mais faut comprendre que HP vise à séduire les Ti traditionnels, le gros du marché en entreprise et ainsi leur faire cracher bien des $$$.
La vraie modernisation passe par les usages 2.0
Les responsables intranet savent bien que leurs stratégies de croissance passent par les usages et outils du Web 2.0 mais les Ti ne veulent rien entendre surtout quand il est question d’intégrer un outil tel qu’un blogue WordPress dans leur sacro-sainte architecture technologique. Encore moins un réseau social en code source ouvert, Ô sacrilège… Certains disent qu’ils ne sont pas «prêts» à intégrer le Web 2.0 dans une informatique tournée vers les processus d’affaires, les CRM, les BPM et autres «M» 1.0 de ce monde….
D’autres, par contre, admettent indirectement leur incompétence. Laissez-moi vous raconter… La semaine dernière j’ai rencontré une personne d’une entreprise québécoise qui travaille dans une petite équipe responsable de l’intranet. Comme dans 70% des cas, toutes entreprises confondues, cette équipe fait partie du département des communications. L’équipe est consciente qu’elle doit prendre le virage 2.0 et teste les différents outils (blogue, wikis, etc.) mais doit le faire «sous le radar», en dehors de l’entreprise et de son firewall et surtout pas sur les serveurs de l’entreprise.
L’informatique de cette entreprise est tellement dépassée et bureaucratisée qu’elle a évalué que la mise en place d’un blogue interne coûterait, tenez-vous bien, au-delà de 100 000$… Les deux bras m’en sont tombés! J’écrivais en août dernier : «Nos entreprises se débattent encore avec leurs intranets 1.0 et quand elles veulent les faire évoluer, se butent souvent à la résistance des départements TI qui, au lieu de générer l’innovation, comme ce fut jadis le cas, la freinent furieusement afin de conserver leurs prérogatives et leurs architectures si familières, si rassurantes mais pas si sécuritaires…».
C’est bien cela le principal problème des entreprises québécoises, présentement loin en retard sur celles des USA ou d’Europe. C’est que leur informatique ne suit pas, résiste, freine le changement. Les employés de ces départements sont mal formés ou pas du tout aux technologies du Web et surtout du Web 2.0. Et surtout leurs dirigeants sont de la vieille école et c’est dommage car les Ti, auparavant, généraient le changement. C’était il y a bien des années…
Et le changement vient de la base…
Comme je le dis souvent en conférence et sur ce blogue, les employés poussent pour l’adoption en interne de leurs usages externes du Web en tant que consommateurs. Les Ti eux, ont les deux pieds sur le frein. C’est tellement typique d’une entreprise 1.0 où les technologies et les usages sont dictés par les Ti alors que dans l’entreprise 2.0 ce sont les usagers qui les dictent.
Regardez d’ailleurs ce dernier tableau publié récemment sur le blogue de la conférence Enterprise 2.0 et qui porte sur les leaders de l’intégration des outils du 2.0 dans l’entreprise. Clairement et majoritairement c’est maintenant du bottom-up: les employés imposent les usages. Ce sont eux qui génèrent maintenant l’innovation.
Pour en savoir un peu plus sur les conditions de succès de l’intégration des stratégies et outils du Web 2.0 dans l’entreprise et aussi pourquoi certains se plantent royalement, je vous suggère de lire attentivement le billet publié par Dion Hinchcliffe, intitulé: « 14 Reasons Why Enterprise 2.0 Projects Fail ». Comme par hasard, il y traite entre autres de « bottom-up » et de gouvernance…
Gouvenance…
Dans ce billet publié, je le rappelle, l’automne dernier, je ne me suis pas éternisé sur le sujet de la gouvernance mais c’est là une des clés qui puisse permettre aux forces progressistes en entreprise de déverrouiller le cadenas installé par les Ti sur les stratégies d’innovation. La gouvernance implique un partage équitable des pouvoirs de décision et d’action en ce qui a trait à la mise en oeuvre d’une stratégie Web d’entreprise et ce, entre plusieurs acteurs importants, habituellement, les Communications, les Ressources humaines, les Ti, une ou plusieurs unités d’affaires en tant que clients stratégiques (Qui sont en demande et ont les budgets) réunis pour la prise de décision dans un comité directeur (VPs et CIO) et pour le prise d’actions dans un comité de coordination.
Peuvent se joindre à ces derniers des comités aviseurs techniques et d’utilisateurs (voir ci-dessous). Très important que les utilisateurs soient impliqués dans la gouvernance, d’où le rôle primordial joué par le/ou les gestionnaires de communautés, impliqués dans la structure de coordination d’entreprise mais aussi au niveau local. On parle ici des «super-utilisaterus», soit les employés qui dans leurs habitudes de consommation personnelle, utilisent régulièrement les nouveaux outils de communication, de partage et de collaboration.
Autrefois maîtres incontestés des stratégies et des outils, les Ti doivent comprendre qu’ils doivent partager leur pouvoir et leurs budgets, qu’ils doivent être au service de l’entreprise et de ses employés et non l’inverse. En ce sens, la création de comités de coordination internes sont une absolue nécessité et quoiqu’en disent certains. Et il n’est pas essentiel que tout ce beau monde soit rompu aux subtilités du Web 2.0.
Il suffit de cibler le haut de l’échelle des technographies sociales de Forrester. Les super-utilisateurs jouent ici un rôle-clé en tant qu’early adopters et créateurs de contenus, identifiés par les gestionnaires de communautés, les premiers spécialistes de Web 2.0 dans l’entreprise.. Ils sont rejoints par de plus en plus de spécialistes en communication et en ressources humaines qui font leurs classes en assistant à des formations ou à des conférences comme webcom-Montréal.
Et ils savent aussi qu’elles peuvent avoir recours à des firmes de consultation. Mais attention aux chants des sirènes… Ne s’improvise pas spécialiste de l’entreprise 2.0 qui veut ! Il y a la théorie mais il faut aussi la pratique, l’expérience des dynamiques internes et des jeux de pouvoir. Pour cela, il n’y a pas de Master Card mais habituellement un «Master Plan» ou plan directeur basé sur les attentes et besoins des utilisateurs/unités d’affaires, besoins regroupés par grandes priorités organisationnelles. Ce plan est habituellement conçu pour une période de trois ans mais revu à chaque année et au besoin ajusté par le comité de coordination et avalisé par le comité directeur.
Complexe vous direz? Au contraire, une fois en place, cette structure génère beaucoup plus de souplesse qu’il n ‘y paraît, «décoince» les Ti et les force au partenariat et surtout génère énormément de suggestions et d’innovation, surtout si on y adjoint une idéagora…
L’idéagora interne développée pour Orange par le groupe Awak’iT
Je vous ai souvent parlé de leur potentiel innovant, beaucoup relié à la R&D des entreprises mais elles ont aussi leur utilité dans un processus de création de communautés Web 2.0 dans les entreprises, dans la génération d’idées nouvelles pour le développement de l’intranet mais aussi dans la reconnaissance auprès des employés faisant preuve de créativité et d’initiative.
Donc, quand vous pensez gouvernance pensez que ce concept peut très bien se marier avec celui d’innovation. Bizarre car le premier fait appel à une certaine forme de contrôle alors que le second est présentement associé à la liberté créatrice, au CGU. Et pourtant la gouvernance peut générer, entre autres, de l’innovation mais aussi de la compétence Web à l’interne.