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Quels usages pour le français dans les TIC et les réseaux sociaux ?

26 juin 2012

Je tenais à partager avec vous les propos que je tiendrai mardi le 3 juillet prochain à Québec dans le cadre de la RIFÉ 2012 (Rencontre internationale de la Francophonie économique). La question posée aux membres de mon panel est : « L’usage du français dans les TIC et les réseaux sociaux : une exigence pour développer les échanges francophones ?

Les TIC et les réseaux sociaux représentent un formidable potentiel pour favoriser les relations d’affaires. Il est essentiel, d’une part, que la langue française trouve une juste place dans l’usage de ces outils et que, d’autre part, les acteurs économiques francophones les  utilisent. Quelles propositions faire pour assurer la diffusion et l’usage des TIC en français : dispositif d’information, de formation, développement d’outils nouveaux et d’infrastructures, etc.?»

Voici donc mon point de vue sur le sujet:

Faire rayonner la francophonie par un répertoire informationnel des organismes, c’est bien mais ce n’est pas assez collaboratif et interactif….

lecarnet
Numériser les documents, archives, œuvres de création, produits audiovisuels et patrimoines culturels francophones, comme le fait l’Organisation Internationale de la Francophonie c’est bien mais c’est tellement 1-0 ! Mais où est-elle, cette francophonie dans le nouveau Web , le Web 2.0 et les réseaux sociaux ?  Oh… Il existe bien quelques exceptions comme le site Viadéo, l’équivalent de LinkedIn aux USA,  où il est possible de réseauter professionnellement et faire des affaires en français.

messites

Il existe aussi des blogues, comme le mien, qui sont des blogues d’affaires en français UNIQUEMENT mais ce sont des exceptions. C’est un secret de polichinelle : dans le Web et les technologies, tout se fait en anglais ! D’ailleurs, une des plus grosses conférences internationales sur les TIC a lieu à Paris et maintenant à Londres mais à Paris la conférence LeWeb est unilingue anglais même si presque tous les organisateurs sont Français ainsi qu’une bonne partie de l’auditoire !

Et le constat peut se poursuivre ad nauseam… Tous les développeurs et les entrepreneurs francophones du Web sont attirés par la Silicon Valley, avec l’usage de l’anglais à la clé, comme des papillons par le réverbère. MyID.is, BlueKiwi, Netvibes sont des icônes du Web 2.0 en France mais leurs noms sont anglais même si les sites sont parfois bilingues ou multilingues… Et tous ou presque rêvent de se faire racheter par Google IBM, SalesForce ou Facebook.

Il existe donc un réel besoin de mettre en place une stratégie Web 2.0 mais aussi numérique et francophone. Un des premiers jalons de cette stratégie réside, selon moi, dans la francisation de la terminologie numérique. Pour ce faire, il est essentiel de créer une encyclopédie terminologique participative de type Wikipédia. Déjà, le Web québécois contribue à cette francisation avec les termes courriel (Mail), pourriel (Spam), clavardage (Chat), blogue ou carnet (Blog), Infonuagique (Cloud Computing),  mot-clic (Hashtag), etc. mais c’est de la pratique courante et du bon vouloir des Internautes qui se voit repris par l’OQLF.

Une plateforme collaborative

Cette encyclopédie pourrait résider sur une plateforme collaborative créée et gérée par une nouvelle entité francophone dédiée à la promotion non seulement de la culture mais aussi des affaires numériques et faisant partie de l’OIF. Cette plate-forme devrait être, par essence, collaborative et participative (Web 2.0) avec en plus de l’encyclopédie, des blogues nationaux en lien avec de nouveaux sites Web 2.0 reliés aux Maisons des savoirs existantes ou à créer et à même de générer encore plus de ces savoirs nationaux et francophones et ainsi d’attirer la nouvelle génération consommatrice de médias et réseaux sociaux mais aussi de jeux vidéo et d’appareils mobiles.

young&free

Un exemple de plate-forme ciblée vers les nouvelles générations

Cette plate-forme aurait également un agrégateur de fils de conversation en temps réel en français à la Twitter, une carte interactive de géolocalisation des ressources, organismes, institutions et même entreprises du milieu technologique francophone et une chaîne de transmission multimédia en temps réel (Live Streaming).

Et un réseau social ???

Un réseau social de la Francophonie avec ça ??? Non quand même… Il existe bien la possibilité de créer un réseau social spécialisé en utilisant un outil tel que Ning mais je considère qu’il y en a un peu soupé des réseaux sociaux… Alors, pourquoi ne pas utiliser un réseau déjà existant et favoriser la croissance d’un produit francophone tel que Viadéo ?

Et puisqu’il est question de réseaux sociaux, il ne faut pas oublier les idéagoras ou sites d’externalisation ouverte (crowdsourcing). Car ces dernières sont dans les faits des petits réseaux socio-professionnels. Alors pourquoi pas une idéagora francophone en matière d’innovation technologique pour les industries et entreprises en leur fournissant un bassin francophone de recherche et de développement?  Et elle serait, bien entendu et comme pour le reste de la plate-forme, accessible sur les téléphones intelligents et tablettes numériques donc adaptée à la mobilité.

Et en lien avec cette plateforme, véritable agora des idées et expertises technologiques francophones, une grande conférence internationale francophone annuelle sur les nouvelles technologies qui vient faire l’état des lieux et fait la promotion des meilleures pratiques et de l’expertise des entreprises et organismes francophones. Cette conférence existe depuis 2006 à Montréal et se nomme www.webcom-montreal.com

webcom

Cette dernière se cherche semble-t-il un second souffle qui pourrait bien venir du soutien de la communauté francophone internationale donc de l’OIF et même être jumelée à la RIFÉ.

Ce n’est pas tout… Il faut impérativement que le français investisse les domaines d’avenir que sont  la mobilité, la ludification (Gamification), la réalité augmentée et les jeux sérieux (Serious Games). Pour ne nommer QUE la mobilité, est-il besoin de mentionner que selon la firme de vigie technologique Gartner, (oui, je sais, encore une firme américaine) d’ici 2014, 90% des entreprises aux USA vont supporter des applications d’affaires sur appareils mobiles et que d’ici l’an prochain, 80% des entreprises vont offrir du support informatique pour appareils mobiles. Ce qui est encore plus important c’est que 70% des contenus consommés sur Internet actuellement le sont par le biais de d’applications mobiles en majorité anglophones.

De plus en plus de compagnies offrent aussi des magasins d’applications, en majorité destinées au marché anglophone (App Store). Déjà, le gouvernement des USA a le sien   Donc des applications conçues et consommées en anglais !

Wifi, incubation et données ouvertes

Dans un autre ordre d’idées, je ne voudrais pas mésestimer le travail fait par l’OIF avec son Fonds francophone des inforoutes qui a permis le développement de plus de 200 nouveaux sites Web en français mais cette initiative s ‘appuie sur la création de contenus. À mon avis, il doit également s’appuyer sur des projets de création de bande passante à ultra haut débit générateurs de pôles économico-technologiques ainsi que sur la démocratisation dans tous les pays francophones et en particulier dans ceux d’Afrique de l’Internet sans fil (Wifi).

Une nouvelle entité francophone dédiée à la promotion de la culture et des affaires numériques et faisant partie de l’OIF devrait aussi se pencher sur la création et/ou le soutien aux initiatives d’incubation de nouvelles entreprises technologiques (Start-up) comme cela se fait à la Maison Notman à Montréal.

En terminant, je m’en voudrais de ne pas parler de logiciels libres et de données ouvertes et le lien étroit qui s’est créé avec les administrations publiques pour en arriver à une nouvelle forme de démocratie participative, dite ouverte. Plusieurs villes francophones telles que Québec, Montréal, Bordeaux ont ouvert leurs données aux développeurs ainsi que 46 gouvernements nationaux dont le Canada regroupés au sein du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, mouvement lancé par nos voisins du Sud sous l’impulsion de l’administration Obama avec son Open Government Initiative. 

openGI

À ce titre, le fait que les « grandes » démocraties francophones (France, Belgique, Suisse, Québec) ne participent pas au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert et n’ont, pour la plupart, aucune réflexion en la matière, permet de mesurer le chemin à parcourir pour atteindre la démocratie francophone ouverte.

Quant aux logiciels libres aussi bien le CNLL en France que la FACIL au Québec espèrent changer la donne en demandant aux gouvernements, aux élus et à leurs partis, de prendre position sur plusieurs thématiques dont la place du logiciel libre dans la commande publique, la place du logiciel libre dans l’éducation et la formation, les aides à la R&D et au libre, le soutien aux PME, les brevets logiciels, les standards ouverts, les fondations FLOSS, et enfin la neutralité du Net. Et il faut que ces thématiques résonnent aussi en français !

En prenant en compte la nouvelle réalité du Web et des réseaux sociaux, nous atteindrions un des objectifs fixés par l’ancien secrétaire-général de l’Agence de la Francophonie Jean-Louis Roy, tel que décrit dans un billet du blogue du RIFÉ le 21 juin dernier: «Reconnecter l’économie et la langue française. Les acteurs économiques dans l’espace francophone ont largement abandonné notre langue au profit de la langue anglaise. Si cette situation devait perdurer, elle aurait un effet corrosif majeur sur notre langue et contribuerait à son effacement comme langue internationale dans un avenir proche». Cela vaut aussi pour l’économie numérique…

Vous avez une opinion, des idées que je puisse intégrer ? Faites-le moi savoir en commentaire avant mardi.

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5 Commentaires

  • Répondre Denis Paul van Chestein 26 juin 2012 - 7 h 27 min

    Excellent billet, Claude, très pertinent; j’ai tenu exactement le même discours à certains dirigeants du Forum de la Francophonie 2012 à l’automne dernier au cours d’une séance de… remue-méninges !

  • Répondre Ronald Martineau 27 juin 2012 - 16 h 41 min

    Si vous désirez connaître le comportement de consommation média des francophones hors Québec ainsi que l’importance du français dans l’utilisation d’Internet et des médias sociaux, je vous invite à consulter le site parlonsmedias.ca

  • Répondre Patrice Leroux 28 juin 2012 - 23 h 19 min

    Excellent billet Claude qui porte à réfléchir sur l’avenir de notre langue dans l’écosystème. Il semble y avoir des solutions numériques (tu en proposes un bon nombre) mais j’avoue, bien à regret, mon pessimisme en notant, par exemple, que le lien vers Viadeo mène, par défaut, vers la langue de Churchill (un francophile en son temps !). Est-ce bien grave ou important ? Peut-être pas. La portée de l’anglais et l’argument économique semblent irrésistibles. Mais à force de ne jamais (ou presque) faire du français la langue par défaut (un combat toujours continuel au Québec…) le risque de ne plus vouloir/pouvoir s’en servir augmentera encore plus rapidement.

    😉

    Patrice Leroux

  • Répondre Vincent JAY 6 juillet 2012 - 14 h 18 min

    Votre billet est très intéressant et très complet. Il montre bien le chemin qui reste à parcourir pour que l’Internet francophone puisse bénéficier du rayonnement qui caractérise sa richesse culturelle.

    Vous saluez l’action du Fonds francophone des Inforoutes, je compléterais en citant un projet qui a bénéficié jadis de son soutien et qui perdure aujourd’hui.

    Je veux parler de Médiaterre (www.mediaterre.org), le système d’information francophone pour le développement durable qui fête ses dix ans et qui permet aux initiatives de développement durable de se faire entendre sur le Web.

    En 2011, 6000 dépêches d’actualité ont été publiées sur Médiaterre grâce à l’implication de la Francophonie et de ses acteurs, investis dans la diffusion des « bonnes pratiques » de développement durable au Nord comme au Sud.

    Ce n’est certes pas encore un réseau social à proprement parler, mais qui sait …

    Bien à vous.

    Vincent JAY
    Responsable de projets au CIRIDD,
    administrateur de Médiaterre.

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