Communication interactive Événements

#Mumbai – Loin du Web 2.0 et pourtant si près… (Suite et fin)

3 décembre 2008

Dans les précédents billets, j’ai parlé de Twitter et de l’effet Web 2.0, de travail humanitaire, de récupération, de manipulation et de sécurité mais aussi de micro-journalisme. Comme j’enseigne à l’Université de Montréal en communication, vous pouvez être certains que je vais intégrer cette expérience dans mon prochain cours qui débute en janvier car comme je viens d’en témoigner, nous avons vécu là, l’émergence ( j’aime toujours ce mot ; ) d’une nouvelle forme de journalisme.

Et je ne suis pas le seul à en témoigner. Voyez plutôt ce qu’en dit Matthew Ingram et surtout Francis Pisani dans le Monde.fr. Je cite un passage de son billet où il cite Benoit Raphaël rédacteur en chef du Post.fr :

«L’objectif, ici, n’est pas de produire une information low-cost sans journalistes, mais de travailler intelligemment dans le cadre d’une info en réseau. Produire une info plus pertinente par rapport aux attentes des lecteurs: hyper réactive, moins conventionnelle dans ses choix, plus “live”, plus libre, avec plus de ton, de conversation, beaucoup d’émotion.»

Et Pisani continue :

«Ces bouleversements mettent en cause le noyau dur du journalisme… la façon dont nous racontons des histoires, dont nous rendons compte de ce que nous voyons, comprenons, analysons.

L’info en réseau est en effet aussi une info en fragments.

L’info n’arrive plus ficelée comme un paquet soigné sous forme d’article avec un début (lead disent les anglo-saxons), un milieu et une fin, ce qui implique un minimum de synthèse et d’organisation. Pauvre Aristote.

L’info arrive comme une pierre jetée à la hâte. Pas nécessairement polie, mais lourde de faits et d’émotions.

Ne nous trompons pas sur la métaphore. Au bout d’un moment ces pierres ne sont plus que des grains de sable coulant en continu. L’info devient flux.

Synthèses, analyses et reportages sur le terrain seront toujours utiles voir nécessaires, mais force est de reconnaître que les premières interprétations ne sont plus le monopole des «têtes parlantes» qui pullulent sur nos écrans télé.»

Et vlan dans les dents des médias traditionnels !!!

Village global

Mais je ne me contente pas dee cette brève exultation. Faire la preuve que les médias sociaux ont leur place dans des situations d’urgence et qu’une nouvelle forme de journalisme est en train de voir le jour est une chose et celle-là bien mince par rapport à ce que nous avons tous et toutes vécu au cours de ces derniers jours. Et mes pensées vont alors à ceux et celles sur le terrain, comme @vinu, le premier à avoir montré le drame en photos sur le Web mais aussi à avoir rapporté en direct de chez lui, ce qui se passait à un coin de rue, à #Nariman House. Terrifiants moments…

Mais mes pensées vont aussi aux centaines de morts et blessés Indiens, Américains, Français, Anglais, Canadiens, Israeliens, Australiens, Allemands, Thaïs, Japonais, Italiens, Singalais et  Mauritiens et à leurs familles. Ces gens ont péri dans dix endroits différents de la ville, entre autres dans deux hotels 5 étoiles, soit le Oberoi-Trident et le Tal Mahal Intercontinental Hotel, ce dernier vieux de plus de 100 ans et trésor national en Inde. En fait on le compare souvent au Château Frontenac à Québec… Vraiment, le monde est devenu village… Village global comme le disait McLuhan.

Et quand notre troisième voisin d’à côté se fait attaquer et voit sa maison brûler, que faisons-nous, les voisins ???

Le Taj Mahal Intercontinental Hotel Source : New York Times

Mais quelle motivation ?

À chaque minute, à chaque heure, à chaque journée qui passe depuis que j’ai quitté la couverture en live des attaques terroristes de Bombay/Mumbai, je ne peux m’empêcher de me creuser le ciboulot et essayer de trouver la motivation profonde qui m’a poussé, subitement, à tout lâcher et vivre l’expérience de micro-journalisme dont je vous parle depuis quelques billets. Écrire ces billets a certes servi à décanter ce qui s’est passé mais ne m’a pas encore permis de mettre le doigt sur CETTE motivation profonde.

Curiosité ? intérêt professionnel ? Désir de partager dans un esprit de de partage avec le village global comme le dit ce commentaire d’un de mes lecteurs:

Retweeting @mdumais: @Emergent007 Bravo. Super boulot depuis hier. En effet, bravo. Du ‘world community and global awareness’ pas à peu près…

Peut-être mais il y a quelque chose de plus profond encore… Hier soir, au resto en conversation avec une amie de longue date, je crois avoir trouvé finalement. Je crois que cela remonte aux tragiques évènements du 11 septembre 2001. Oui, le 9/11… Comme bien d’autres, j’ai vécu cette page noire de l’Histoire scotché à la télé au bureau et ensuite celle à la maison. En spectateur, sans rien pouvoir y faire…. J’aurais pu prendre mon auto et rouler jusqu’à NY mais pour y faire quoi au juste ?

Je travaillais alors dans une grande entreprise comme coordonnateur intranet.  Pas question de participer sur Internet car il faut se rappeler qu’en 2001, le Web 2,0 et les médias sociaux en étaient à leurs premiers balbutiements. Le Web 1.0 reflétait toujours la structure élitiste et traditionnelle de production des contenus : réservé aux spécialistes !!! Mais me revient toujours en tête ce billet publié par l’ami Jeff Mignon, un des amis New-Yorkais aux premières loges…

Cette fois, j’ai agi et bien des personnes ont apprécié :

@Emergent007 Thank you for your balanced, sane contributions to the tweeter world concerning Mumbai #mumbai

@Emergent007 Hit ‘send’ too soon, it’s been great hanging out with you & everyone else, thank YOU!

@Emergent007 I think the need of the hour is to present an united front against the terrorists worldwide.Thanks for trying to help

@Emergent007 merci pour la manière exemplaire avec laquelle vous avez couvert les tragiques évènements de Bombay sur twitter

@Emergent007 I can’t thank you enough for your updates. Thank you so very, very much.

Cette absence de prise de parole, de partage et de solidarité en face de la souffrance humaine, c’est cela MA motivation profonde. Pour une fois, grâce au Web 2.0 et aux médias sociaux JE peux prendre part, collaborer, aider, informer et écrire bien modestement 140 caractères dans le fil de l’Histoire. Mais surtout et par-dessus tout, je peux aider mon troisième voisin…

Emergent007: #mumbai This is my last Tweet. Thanks to all Tweet friends for help, support, collaboration. Let’s make the world a better place to live 😉 less than a minute ago · Reply · View Tweet

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5 Commentaires

  • Répondre Renée 3 décembre 2008 - 8 h 45 min

    Tu as raison, le monde est devenu un village global et on ne peut rester sans réagir devant de tels drames.
    De ce que j’ai pu lire, les avis sont partagés sur la pertinence d’une telle couverture, certains vont jusqu’à se demander si le bistrot est un média (http://www.wikio.fr/article/81347033)pour terminer en se demandant si Twitter est un média.
    De fait, les innovations sont toujours reçues avec un sentiment de malaise par ceux qui ont de la difficulté à sortir de leur zone de confort, à faire un pas vers l’inconnu.
    En ce qui me concerne, tu m’as donné un exemple très concret de la puissance des médias sociaux. Une couverture différente, pas toujours vérifiée (ce qui dérange beaucoup ceux qui rêve d’un monde bien ordonné, bien contrôlé), spontanée et émouvante.
    Ces 50 heures de ta vie, tu les a bien utilisées…

  • Répondre Michelle Sullivan 3 décembre 2008 - 15 h 37 min

    Ayant quitté Mumbai le jour même des attentats et encore sous l’effet du choc, imaginant le chaos qui devait régner dans la ville paisible que je venais de quitter il y avait à peine quelques heures, j’ai choisi de passer une nuit blanche branchée sur Twitter. J’ai beaucoup apprécié tes interventions ainsi que celles de tous ceux qui ont choisi cet outil interactif pour s’exprimer et pour partager. Un grand merci.

  • Répondre Lyne Robichaud 4 décembre 2008 - 10 h 06 min

    Roy Wadia, un de mes amis qui habite à Mumbai, a indiqué le 2 décembre dernier dans Facebook: « I’m noticing all the blogs and Facebook groups sprouting up that are devoted to doing « something » about the situation in Bombay. Web 2.0 is alive and well. » Le 28 novembre, il a écrit: « I’m marvelling at how Web 2.0+ has overtaken « traditional media » in instant reportage. Indeed, Web 2.0 is now firmly part of « traditional media » itself. »

    Je souligne cette phrase de votre billet, qui a attiré mon attention: «Faire la preuve que les médias sociaux ont leur place dans des situations d’urgence». C’est exactement ce que je m’évertue à faire à longueur de journée, et ce, depuis des mois, avec le projet Zonegrippeaviaire.com.

    Si seulement nos autorités gouvernementales allumaient à ce sujet, et comprenaient la nécessité d’intégrer les médias sociaux dans le processus de préparatifs de mesures d’urgence!

    Les actes terroristes font partie des menaces à la nation. Mais saviez-vous qu’une pandémie d’influenza est considérée comme la menace NUMÉRO 1, supplantant toutes les autres menaces, y compris les actes de terrorismes, inondations, etc.? C’est ce que les pays de l’Union européenne ont reconnu il y a quelques mois. Les experts estiment qu’une pandémie sera un tsunami frappant simultanément TOUTES les villes du monde. Les conséquences d’une telle situation d’urgence mondiale sont «inimaginables», a déclaré le Dr Robert Webster, le plus imminent chercheur en influenza, et un des premiers à avoir identifié le virus H5N1.

    Non seulement les médias sociaux s’avèrent un formidables pour diffuser l’information lors de situations d’urgence, comme cela a été démontré lors de l’incident de Mumbai, mais ils peuvent également faire la différence en mode prévention.

    Le 4e Rapport intérimaire mondial sur la gestion de la grippe aviaire, publié à la mi-octobre dernier par l’ONU et la Banque mondiale avertit: «Des études ont confirmé que la traduction de la prise de conscience et de la connaissance sous la forme d’une modification efficace du comportement reste un défi.» (Synopsis en français, paragraphe 18 – http://un-influenza.org/files/080930-Synopsis2008FR.pdf). Rien n’indique que les messages qui seront véhiculés par les autorités en temps de situation d’urgence majeure (telle une pandémie) seront entendus et que les gens se plieront aux demandes et aux directives officielles.

    C’est pourquoi je souhaite que les médias sociaux soient considérés comme des partenaires dans l’élaboration de nos plans de lutte à une pandémie et mise en oeuvre des mesures d’urgence. Le 4e Rapport de l’ONU / Banque mondiale recommande également: «Il est essentiel que les efforts de préparation nationale à une pandémie soient entrepris conjointement par toutes les parties prenantes – dont les ORGANISATIONS DU SECTEUR DES MÉDIAS.» (Synopsis, paragraphe 26) Notez l’expression utilisée dans ce rapport: «organisations du secteur des médias». À mon avis, cela ne concerne pas uniquement les médias traditionnaux, et ouvre la porte aux médias sociaux. Si seulement les autorités canadiennes et québécoises pouvaient faire cette même lecture de ces recommandations onusiennes… et dans les meilleurs délais!

    Je suis emballée par votre enthousiasme découlant du phénomène social qui s’est produit suite à l’incident terroriste à Mumbai. Puisque vous avez réalisé la portée des médias sociaux dans cette situation d’urgence, je vous invite à méditer sur l’impact BÉNÉFIQUE considérable que les médias sociaux auront AVANT et LORS d’une pandémie, et aussi aux démarches collectives qui devraient être entreprises pour pousser nos autorités à reconnaître le rôle des médias sociaux dans la planification des situations d’urgence graves.

    Lyne Robichaud
    Administrateur principal
    Zonegrippeaviaire.com
    http://lynerobichaud.blogspot.com/

  • Répondre émergenceweb : blogue » Quand Twitter fait la révolution ! #iranelection 31 décembre 2009 - 9 h 59 min

    […] les 54 heures de couverture « live » des attentats terroristes à Mumbai en novembre dernier, je ne m’attendais pas à être aspiré aussi rapidement dans la […]

  • Répondre émergenceweb : blogue » Jusqu’où ira la miniaturisation des conversations ? (acte 3) 17 janvier 2010 - 20 h 02 min

    […] du Real-Time Web et donne des moments émouvants et historiques comme ce fut le cas pour Mumbai, pour les élections en Iran, le tremblement de terre à Haiti mais aussi des moments moins […]

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