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MAJ – Capital humain … N’en mettez plus, la cour est archi-pleine !

21 novembre 2013
Pour ceux et celles qui ne l’auraient pas vu et/ou lu sur le HuffPost Québec, je republie sur mon blogue perso, une version plus «musclée» de ce billet. Ce n’est pas la première fois que je m’insurge contre ceux et celles qui voient les employés de l’entreprise comme du «Capital» ou comme de la «Ressource». C’est, entre autres, un statut sur Twitter, originant de l’Institut de Gouvernance numérique mais repris par Bruno Boutot qui a remis le feu aux poudres.

boutot

J’ai déjà fait des sorties publiques et privées sur les administrateurs d’entreprises, des consultants en réingénierie des processus et tous les spécialistes en gestion des ressources humaines qui prennent leurs employés (ou collaborateurs en France) comme du bétail, du «capital» comme il disent. Donc je le réécris: n’en mettez plus, la cour est pleine.  Je n’en peux tout simplement plus de les entendre parler de «capital humain» et des employés comme une «ressources stratégique» ou des «capitaux importants».

Au départ, ce fut Daniel Lebègue, président de l’Institut français des administrateurs et de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises. Ce dernier était venu s’épancher dans un article paru dans la Tribune.fr.

Tiens, ça vaut la peine que je rapporte ses propos recueillis par le ou la journaliste :

« L’ex-directeur général de la CDC estime que le conseil d’administration d’une entreprise ne devrait pas se préoccuper seulement de la préservation et du développement du capital financier, mais aussi, et surtout, de l’actif humain. Un actif qui constitue, selon lui, la véritable richesse de l’entreprise. Il souligne que la bonne gouvernance d’une société, particulièrement en des temps troublés, se traduisant par des pertes de repères, passe par la prise en compte de l’ensemble des parties prenantes et, en particulier, les salariés. Il place ainsi le facteur humain au coeur de toute démarche visant à améliorer la performance de l’entreprise.»

Beau discours mais on en rajoute quand même… En plus de parler de capital et de ressource, on y ajoute l’actif. C’est ce discours 1.0 qui me purge littéralement et qui a mené les organisations au bord du gouffre de la récente récession. Allez messieurs et mesdames des CA: pressez sur le citron de la ressource comme pour le poisson, le bois, l’eau, les mines ou que sais-je encore et venez ensuite prétendre que vos employés sont le centre de l’Univers de l’entreprise. Plutôt vos actionnaires…

Puis ce fut le commentaire d’Andrée Laforge sur un de mes anciens billets sur le sujet. Justement une de ces spécialistes du capital dont le blogue se nomme avec à propos: «Mesurer le capital humain» avec sous-titre «Maximiser la valeur de vos investissements en capital humain». Elle est venue en rajouter une couche en essayant de faire la leçon :

«C’est à deux économistes américains du milieu du XXe siècle, Theodore W. Schultz et Gary S. Becker, (J’ai rajouté les hyperliens) tous deux prix Nobel d’économie, que nous devons l’expression de capital humain. Le capital humain représente ce que possède chaque être humain : sa force physique et ses capacités intellectuelles. Ces deux économistes ont démontré que la croissance d’une économie développée est largement due à la croissance de son capital humain, croissance obtenue grâce à des investissements importants des individus dans leur éducation et leur santé. On a ensuite transposé la notion de capital humain à l’entreprise. C’est ce qui permet de faire contrepoids au capital financier des entreprises. Le capital financier est l’ensemble des actifs tangibles de l’entreprise. Tandis que le capital humain se retrouve au niveau de l’intangible. Dans les intangibles, on a le capital intellectuel qui se retrouve sous trois rubriques : le capital structurel, le capital clientèle et le capital humain. Le premier couvre les logiciels, bases de données, brevets et marques de commerce (ceci appartient à l’organisation). Le second (capital clientèle) désigne le tissu de relations que l’organisation a développé et entretient avec ses clients (ceci appartient aussi à l’organisation). Le troisième est l’ensemble des connaissances, compétences, aptitudes, attitudes, capacités détenues par le personnel. Malheureusement pour l’organisation, ce capital ne lui appartient pas. Mais il est du ressort de cette dernière si elle veut demeurer compétitive de l’attirer, de le mobiliser et de le conserver à l’intérieur de son organisation. Voilà! Il n’y a rien de péjoratif à utiliser le terme Capital Humain, au contraire, il vient plutôt bonifier l’importance de l’être humain dans l’organisation.»

Bonifier son importance dans l’organisation en le traitant de capital exploitable et maximisable ? Non mais vraiment ! Et ce ne sont pas les premiers «Nobellisés» à ne pas m’impressionner par leurs réalisations. Alfred Nobel justement avait inventé quoi au juste ? La dynamite, donnant un coup de pouce à la course aux armements…

Malheureusement, l’entreprise s’approprie aussi le troisième «intangible» identifié dans le texte de Madame, soit le savoir, l’expertise, les connaissances, la propriété intellectuelle sur les données présentes dans les bases. Dès que je deviens partie de l’entreprise, mes idées, mes écrits, mes produits intellectuels sont propriété de l’entreprise. Ça c’est tangible. Ce que l’entreprise décide de faire avec, c’est une autre question traitée dans mon billet sur l’entreprise Alzheimer. Mais ne soyons pas dupes. L’entreprise et ses dirigeants  font fi systématiquement de l’intangible. Tout ce qui compte, c’est le tangible. Ce qui peut être mesuré, le fameux RSI ! Je ne suis pas de la graine de socialiste mais non plus de cette graine de capitalisme pur et dur non plus. Les employés ou collaborateurs ne sont pas des ressources ! Pas plus que des actifs ou du capital. Pas des bananes ou des citrons !

Ce sont des êtres humains qui interagissent, qui communiquent, qui travaillent, qui collaborent et surtout qui créent et innovent! Ils ne sont pas du capital; ils SONT l’entreprise et contrairement à ce que prétend Claude Super sur son blogue, ils ne constituent pas le maillon faible. Tant que les bombardés spécialistes et les administrateurs les prendront de haut dans leurs bureaux en verre et officines feutrées, il n’y aura pas de vrai changement au sein des organisations. Et on ne verra pas d’entreprise «dite» 2.0 ou sociale, ou collaborative, ou horizontale ou simplement organique.

Le passage, le changement profond du vieux paradigme économique basé sur le capital sous toutes ses formes ne se fera qu’à la condition que l’organisation change ses valeurs, ses attitudes et sa relation à l’Homme, au pouvoir et à la hiérarchie. Pour cela, il ne faut guère compter sur la génération actuelle de dirigeants ni sur la prochaine.

Il faudra attendre l’arrivée aux postes de décision de la génération Y mais surtout de celles qui suivront. Celles dont les représentante(e)s ont identifiés par Marc Prensky comme étant les natifs du numérique. Ces derniers forment déjà et formeront de plus en plus des tribus,ce qui changera du tout au tout la structure de pouvoir de la société et des entreprises mais aussi ses valeurs.

Que disait Patrick McGoohan dans l’émission-culte Le Prisonnier? «Je ne suis pas un numéro…»

 

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