Ce matin, je vous propose de suivre le débat naissant à Paris entre Xavier Aucompte et Bertrand Duperrin sur le concept d’Entreprise 2.0 et de ce qu’on en dira dans quelques années dans Wikipédia. Voici ce qu’ils en disent respectivement.
Tout d’abord Xavier :
Je vous propose de ne pas faire des propositions de définition longues ce qui ne vous empêche pas d’argumenter beaucoup à côté. Pour lancer le sujet, je vous propose :
Entreprise 2.0 : Regroupement humain à but lucratif lié par la confiance avec l’objectif de produire industriellement des produits de qualité mais aussi de proposer toujours plus de nouveaux produits et services nouveaux. L’organisation de cette entreprise est identique à l’entreprise 1.0 avec seulement l’intégration des métiers liées à l’utilisation des nouvelles technologies. Les modes de fonctionnement sont par principe collaboratifs, participatifs et transparents. Le parcours professionnel et la réussite d’un salarié dans cette structure sont en relation avec son investissement et sa capacité à créer de la plus value même si celle-ci n’est pas directement liée à son emploi. Les outils du Web 2.0 sont utilisés comme les blogues, les réseaux sociaux, la télé d’entreprise, les environnements virtuels, … mais l’entreprise 2.0 n’existe pas par la simple utilisation de ces outils. L’entreprise 2.0, c’est un chef d’entreprise qui dit à ses salariés : « L’entreprise, c’est vous! »
Et ce que rétorque Bertrand sur son blogue :
Ce qu’on en dira dans quelques années.
Entreprise 2.0 : Concept qui a connu son heure de gloire vers 2006/2007 et qui concernait l’adoption des outils du Web 2.0 en entreprise. Il permit le rassemblement sous une même bannière d’individus intéressés par le management, la sociologie des organisations, internet, la collaboration, la participation, le knowledge management […] qui au lieu de travailler chacun dans leur spécialité ont pu développer des synergies et unir leurs réflexions dans une seule et même direction.
Ce «buzzword» eut l’intérêt, également, de faire comprendre aux entreprises que “quelque chose se passait” et accéléra leur sensibilisation à de nouveaux enjeux. De manière concrète il trouva son application en entreprise lorsque ces dernières, dépassant ce “stand alone concept” surent l’intégrer dans leur quotidien et créer des synergies entre ces nouvelles approches et ses éléments structurants, appelés un temps l’entreprise 1.0.
Cette conversation par blogue interposés fait suite aux nombreuses tentatives de définir cette nouvelle réalité. Déjà, Fred Cavazza avait tenté d’en faire une synthèse ICI.
Chez nos voisins du Sud, j’ajoute celle développée pour la conférence Enterprise 2.0 de Boston en avril dernier :
Enterprise 2.0 is the term for the technologies and business practices that liberate the workforce from the constraints of legacy communication and productivity tools like email. It provides business managers with access to the right information at the right time through a web of inter-connected applications, services and devices. Enterprise 2.0 makes accessible the collective intelligence of many, translating to a huge competitive advantage in the form of increased innovation, productivity and agility.
Mais aussi celle d’Andrew McAfee, ce dernier tentant de raffiner sa première définition et que Fred a retenue :
Enterprise 2.0 is the use of emergent social software platforms within companies, or between companies and their partners or customers. Social softwareenables people to rendezvous, connect or collaborate through computer-mediated communication and to form online communities. (Wikipedia’s definition). Platforms are digital environments in which contributions and interactions are globally visible and persistent over time. Emergent means that the software is freeform, and that it contains mechanisms to let the patterns and structure inherent in people’s interactions become visible over time.
Et pour ma part, j’en reviens à dc que disait JP Rangaswani, à la conférence LeWeb3. Ce dernier affirme qu’elle n’existe pas mais que sa eTransformation comme l’appelle Michel Germain est basée sur quatre «T» : Team, Trust, Time et Technology.
Voici donc ma pierre à la définition de l’entreprise nouvelle, 2.0 ou pas :
L’Entreprise 2.0 est un concept abstrait et oui, un peu un «buzzword» qui tente de cerner une nouvelle réalité sociale et économique. L’entreprise nord-américaine, européenne, asiatique, australienne, africaine ou sud-américaine vivra d’ici 5, 10, 15 ou 20 ans, une profonde transformation basée sur l’arrivée en leur sein de nouvelles générations d’employés. Les très médiatisés Y mais aussi les «NetGen», tous «natifs du numérique» . Ces derniers réinventent actuellement les outils de communication, de collaboration, de mise en relation, de formation. Des outils qui forment actuellement le Web 2.0 mais qui laisseront rapidement la place à ceux du Web 3D : Lifelogs, réalité augmentée, univers virtuels (SecondLife, Gaming) etc et ces outils seront leurs outils de travail en entreprise.
L’entreprise 2.0 ou 3.0 ne sera pas ces outils et ces outils ne la définiront pas. Ce sont les personnes, leur leadership, leurs interactions sociales, leur propension à la collaboration plutôt qu’au travail vertical et hiérarchique, leurs usages d’une technologie plus près des sens que de l’intellect qui permettront pour la première fois depuis le début de l’ère industrielle de créer une entreprise qui se souvient, qui a une mémoire vivante et dynamique.
C’est la fameuse mémoire d’entreprise, perdue selon David DeLong (Lost Knowledge) et qui fait l’objet de mes travaux actuels (pour la retrouver :o) et qui intéresse de plus en plus d’entreprises. En effet, plusieurs entreprises se rendent compte qu’ils perdent leur mémoire lorsque leurs employés partent à la retraite. Et que dire des archives,, entassées dans des entrepôts… Vous avez lu dans Wired à propos de la NASA qui a perdu une montagne d’information sur sa première épopée lunaire ? Édifiant !
Les neuf pré-requis à la mémoire d’entreprise :
- Bâtir les savoirs (multiplication des wikis)
- Communiquer les savoirs (aggrégation de blogues)
- Identifier les savoirs (mise en relation)
- Localiser les savoirs (géo-localisation)
- Récupérer les savoirs (Peer-to-peer avec les retraités)
- Documenter les savoirs (Carnets de vie)
- Gérer les savoirs (Les entrepôts de données)
- Rechercher les savoirs (tagging, recherche sémantique)
- Transmettre les savoirs (vLearning)
Ce qui la définira, également, c’est l’éclatement de la hiérarchie traditionnelle, Jon Husband parle de «Wirerarchy». Xavier a frappé presque dans le mille quand il a conclu: L’entreprise 2.0, c’est un chef d’entreprise qui dit à ses salariés : « L’entreprise, c’est vous! ». Je dis bien presque car je reformulerais : L’entreprise idéale c’est une direction collégiale qui s’entend avec l’ensemble de son personnel pour dire : »L’entreprise c’est nous ! »